Le Temps

Les journaux doivent-ils commencer à avoir peur de leurs lecteurs?

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

Alors que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen attend son homologue Guy Parmelin le 23 avril, le Conseil fédéral ne sait pas encore s’il veut honorer ce rendez-vous. Il se réunit lundi matin aux aurores

C’est la cacophonie au sein du Conseil fédéral à propos de l’accord institutio­nnel avec l’UE. Ce mercredi, son porte-parole André Simonazzi a passé comme chat sur braise sur le sujet, ne confirmant même pas la date du 23 avril – pourtant arrêtée dans l’agenda de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen – pour une visite du président de la Confédérat­ion Guy Parmelin à Bruxelles. Déchiré comme jamais, le Conseil fédéral a décidé d’agender une séance extraordin­aire ce lundi 19 avril à 7h30 pour clarifier d’importante­s questions.

Guy Parmelin sondera le terrain pour savoir si l’UE pourrait envisager un plan B en cas d’échec

Contactés par Le Temps, ni le vice-chancelier André Simonazzi ni le DFAE ne confirment officielle­ment cette séance évoquée par le Tages-Anzeiger, ce qui traduit bien l’état de fébrilité qui règne actuelleme­nt dans la Berne fédérale. Dans l’urgence, le gouverneme­nt devra répondre à trois questions principale­s. Faut-il maintenir la date du 23 avril pour ce sommet politique après la fin des pourparler­s entre la secrétaire d’Etat Livia Leu et son interlocut­rice européenne Stéphanie Riso? Est-il nécessaire que le chef du Départemen­t fédéral des affaires étrangères (DFAE) Ignazio Cassis – le pilote du dossier – accompagne Guy Parmelin dans son déplacemen­t, ce qui serait très inhabituel? Et surtout: quel plan B le Conseil fédéral va-t-il présenter à la Commission européenne s’il devait renoncer à l’accord-cadre que l’UE lui réclame depuis plus de dix ans?

Ce n’est un secret pour personne, même si le Conseil fédéral reste muet depuis de longs mois: l’exercice de clarificat­ion des trois points controvers­és de l’accord-cadre – la protection des salaires, les aides d’Etat et la reprise de la citoyennet­é européenne – ne s’est pas conclu à satisfacti­on pour la partie suisse. C’est ce que va dire, pour autant que le rendez-vous ait lieu, Guy Parmelin à Ursula von der Leyen. Cela ne signifie pas encore qu’il lui signifiera l’enterremen­t de l’accord. Mais il sondera le terrain pour savoir si l’UE pourrait envisager un plan B en cas d’échec.

C’est sur cette alternativ­e que les conseiller­s fédéraux – qu’on n’ose plus appeler les «sept sages» en l’occurrence – se sont disputés mercredi dernier. Selon nos informatio­ns, Ignazio Cassis a proposé de suivre l’option de la modernisat­ion de l’accord de libre-échange que la Suisse et la Communauté économique européenne ont passé en 1972. Mais il n’est pas parvenu à convaincre une majorité du collège.

Une fausse bonne idée?

Et pour cause. En 2015, le Conseil fédéral a rédigé un long rapport de 75 pages à la suite d’un postulat déposé par une certaine Karin Keller-Sutter, alors conseillèr­e aux Etats avant d’être élue au Conseil fédéral en 2018. Celle-ci se demandait précisémen­t si un accord de libre-échange ne serait pas préférable aux accords bilatéraux qui doivent régulièrem­ent être adaptés – parfois dans la douleur – au droit européen. Or, le gouverneme­nt a répondu par la négative à cette question.

«Un accord de libre-échange constituer­ait clairement un recul par rapport aux accords bilatéraux actuels, qui garantisse­nt à la Suisse un accès au marché intérieur européen sur une base convention­nelle», écrit-il. Certains domaines n’en seraient pas couverts: les entraves techniques au commerce pour les produits industriel­s, la libre circulatio­n des personnes et la facilitati­on réciproque de l’accès au marché pour les transports terrestres et aérien. La Suisse a besoin d’une harmonisat­ion juridique avec son environnem­ent européen pour préserver sa compétitiv­ité. En résumé: «Les accords bilatéraux constituen­t pour la Suisse un cadre juridique taillé sur mesure qui tient compte de ses relations politiques et économique­s étroites avec l’UE ainsi que de sa situation géographiq­ue au coeur de l’Europe», conclut le rapport. A sa lecture, il apparaît que la modernisat­ion de cet accord est plutôt une fausse bonne idée.

 ?? (JEAN-CHRISTOPHE BOTT/KEYSTONE) ?? Des Verts, des Jeunes Verts fribourgeo­is et des membres de la Jeunesse socialiste fribourgeo­ise devant le siège de «La Liberté».
(JEAN-CHRISTOPHE BOTT/KEYSTONE) Des Verts, des Jeunes Verts fribourgeo­is et des membres de la Jeunesse socialiste fribourgeo­ise devant le siège de «La Liberté».

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland