Le Temps

Accord-cadre: une séance aux aurores

Berno Stoffel, directeur des Remontées mécaniques suisses, tire les leçons de cet hiver si particulie­r et des effets qu’il aura sur l’avenir des stations. Il révèle aussi comment le ski est le seul loisir à avoir eu le droit de rester accessible en décemb

- PROPOS RECUEILLIS PAR SERVAN PECA @servanpeca

Le 23 avril prochain, le président Guy Parmelin est attendu à Bruxelles par son homologue, Ursula von der Leyen. S’y rendra-t-il? Avec qui? Pour dire quoi? Le Conseil fédéral est divisé

C’est pour clarifier ses propres vues que le gouverneme­nt a choisi de convoquer une séance d’urgence, lundi matin à 7h30. Au menu, toute une série de questions

Ni dans une station de ski, ni dans une quelconque région de montagne. Et ni dans le Haut-Valais, où il a bâti sa carrière de patron de remontées mécaniques. C’est à Berne que Berno Stoffel nous a donné rendez-vous, dans le bâtiment où se sont installées l’année dernière les Remontées mécaniques suisses (RMS).

Cela pourrait être anecdotiqu­e. Mais ça ne l’est pas. Le directeur de la faîtière des stations de ski avait besoin d’être proche des décideurs politiques, du Conseil fédéral en particulie­r, pour parvenir à les convaincre de laisser les remontées mécaniques opérer, alors que toutes les autres activités étaient interdites, lors de la deuxième vague.

Comment avez-vous fait pour que les remontées mécaniques puissent rester ouvertes, alors qu’au tournant de l’hiver tout fermait de nouveau, commerces et loisirs y compris? Tout a commencé le 13 mars 2020, lorsque nous avons dû fermer, comme toutes les autres manifestat­ions. Nous nous sommes rendu compte qu’il ne fallait pas que l’on soit considérés comme tels. Durant l’été, nous avons cherché des soutiens et avons d’abord trouvé celui de Guy Parmelin, puis de tout le Conseil fédéral. Notre objectif principal était que les remontées mécaniques soient considérée­s comme n’importe quel autre transport public. Nous y sommes parvenus, et ça a sauvé notre hiver.

Cela revient à jouer sur les mots, non? Une station de ski ressemble davantage à un parc aquatique qu’à un tramway… Je ne suis pas d’accord. S’il nous avait été interdit de fonctionne­r, dans ce cas il aurait fallu interdire tous les autres modes de transport! L’autre facteur qui nous a beaucoup aidés, c’est le fédéralism­e, et la décision de laisser la main aux cantons, avec certaines règles valables à l’échelle nationale. Les associatio­ns régionales de remontées mécaniques ont ainsi pu beaucoup mieux dialoguer avec les responsabl­es cantonaux, plus proches du terrain que depuis Berne.

Quels genres de contacts avez-vous eus à ce sujet avec vos homologues des pays voisins? Les associatio­ns des remontées nationales sont regroupées dans une associatio­n européenne. Nous avons échangé trois fois cet hiver, pour analyser la situation dans les différents pays. En novembre, nous avons eu des discussion­s très régulières avec l’associatio­n en Autriche (où les stations sont aussi restées ouvertes, ndlr) afin de discuter des différente­s dispositio­ns à prendre et des argumentat­ions à faire valoir.

Parlons chiffres. A fin mars 2021, les revenus des remontées mécaniques ont baissé de 24%, par rapport à la dernière saison complète, en 201819. Que faut-il penser de l’ampleur de ce recul? Ce que l’on sait déjà, c’est qu’à fin avril on sera plutôt autour des -28%, voire -30%. C’est lié au fait que seules les grandes stations sont encore ouvertes en avril, et que ces dernières ont plus souffert de l’absence des visiteurs étrangers que les petites et les moyennes. Elles ne sont logiquemen­t pas parvenues à reconquéri­r les clients suisses en seulement quelques mois.

Vont-elles réussir à le faire à moyen terme? Nous nous attendons à ce qu’elles se focalisent davantage sur le marché domestique, sachant que le marché internatio­nal ne retrouvera pas la normalité avant longtemps, s’il la retrouve un jour. Ce sera une nouvelle concurrenc­e pour les stations de taille plus réduite. Elles doivent s’y préparer, et être très au clair sur ce qu’elles ont à offrir de particulie­r.

En montagne, les remontées mécaniques sont les sociétés qui ont le plus de charges, mais elles ne récoltent que 30% du budget des touristes qu’elles font venir dans une station. Comment y remédier? Intégrer des restaurant­s, des hôtels, voire des commerces, dans une société de remontées mécaniques peut être une solution, mais cela doit être pensé intelligem­ment, que ces offres soient complément­aires. Sinon, cela ne fonctionne pas.

Les autres prestatair­es, qui touchent les 70% des dépenses des visiteurs, ne pourraient-ils pas se montrer plus solidaires? En effet, il faut que ceux qui bénéficien­t de la présence des remontées mécaniques se rendent compte de cette situation. Et qu’ils soient disposés à participer aux investisse­ments nécessaire­s pour moderniser l’infrastruc­ture. C’est déjà parfois le cas via les collectivi­tés publiques, mais cela pourrait l’être davantage.

Déplorez-vous un manque de solidarité dans ce domaine? C’est en tout cas beaucoup moins le cas que par le passé. En termes de région, on peut citer l’exemple et la réussite du regroupeme­nt et des investisse­ments dans le val d’Anniviers (Grimentz, Zinal, Saint-Luc, Vercorin, ndlr). Mais à travers le Magic Pass également, on constate une prise de conscience des bénéfices des regroupeme­nts.

Et la crise sanitaire peut-elle aboutir à davantage de solidarité entre les stations? Je note en tout cas que plus personne dans la branche ne remet en cause la légitimité des associatio­ns, que ce soit la nôtre ou les régionales. Elles ont toutes prouvé leur utilité et ont réagi de manière très rapide et flexible.

Y a-t-il d’autres leçons à tirer de cette situation, sur le plus long terme? L’une de nos plus grandes satisfacti­ons est d’avoir su regagner la confiance des clients. A Noël, nous avons senti une certaine réticence à venir skier. Mais à partir de février, les retours se sont avérés très positifs. Et pas seulement dans les chiffres, mais aussi dans les messages que nous avons reçus. Les stations ont réalisé un excellent travail. D’un point de vue sanitaire, bien sûr. Mais aussi sur la qualité de ce qu’elles proposent. Je pense que tout le monde a désormais vraiment compris l’importance de la qualité du produit, des infrastruc­tures et de l’accueil. Tous les efforts sont bienvenus, mais à la fin c’est ce seul élément qui fait venir, ou revenir, les clients.

Peut-on encore parler de qualité lorsque, comme certains week-ends cet hiver, des dizaines de milliers de skieurs s’entrecrois­ent sur les pistes, les parkings sont pris d’assaut, les routes d’accès finissent par être fermées? C’est un problème, bien sûr. Gage, aux stations qui ont vécu ces situations, de les analyser et de prendre les bonnes mesures pour y remédier. La qualité du produit que j’évoquais, elle vaut aussi ailleurs que sur les pistes. Cela dit – et cette règle est valable pour toutes les infrastruc­tures: on ne peut pas calibrer leurs capacités pour qu’elles soient adaptées aux cinq meilleures journées de l’année.

«Tout le monde a désormais vraiment compris l’importance de la qualité du produit, des infrastruc­tures et de l’accueil. Tous les efforts sont bienvenus, mais à la fin c’est ce seul élément qui fait venir, ou revenir, les clients»

 ?? (MARCEL BIERI/KEYSTONE) ?? Les sociétés de remontées mécaniques suisses (ici à Wengen) vont enregistre­r une baisse de 25 à 30% de leur chiffre d’affaires cet hiver.
(MARCEL BIERI/KEYSTONE) Les sociétés de remontées mécaniques suisses (ici à Wengen) vont enregistre­r une baisse de 25 à 30% de leur chiffre d’affaires cet hiver.
 ??  ?? BERNO STOFFEL
DIRECTEUR
DES REMONTÉES MÉCANIQUES SUISSES
BERNO STOFFEL DIRECTEUR DES REMONTÉES MÉCANIQUES SUISSES

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland