Le prodige Sebastian Kurz sous le feu des critiques
Gestion jugée chaotique de la crise du coronavirus, conflits avec l'Union européenne et révélations sur ses proches: le jeune chancelier autrichien est sous le feu des critiques ces dernières semaines, dans son pays comme à l'extérieur
Magasins et musées fermés, grisaille de printemps: l’ambiance est morose dans la capitale autrichienne. Vienne connaît, comme ses deux régions voisines, le Burgenland et la Basse-Autriche, son quatrième confinement depuis le 1er avril dernier. Les Viennois le subiront jusqu’au 2 mai au moins et, à les entendre, la lassitude s’installe. Quel contraste avec la situation d’il y a un an! Le temps où Sebastian Kurz vantait la gestion de la première vague – l’Autriche était alors plutôt épargnée – semble lointain. Aujourd’hui, le jeune chancelier et son gouvernement écolo-conservateur sont sous le feu des critiques, accusés de gestion chaotique. Le ministre de la Santé, Rudolf Anschober, vient d’ailleurs de démissionner en se disant «épuisé».
Début février, l’Autriche sortait de son troisième confinement en misant sur une offre massive de tests rapides. Sebastian Kurz envisageait alors une réouverture des terrasses avant Pâques mais le variant britannique est venu contrarier ses plans. La situation s’est rapidement dégradée dans les régions de l’est, qui ont dû se reconfiner. Et pour le reste du pays, c’est le statu quo – ni réel déconfinement, ni reconfinement. Seul le Vorarlberg, à la frontière avec la Suisse, a pu rouvrir ses restaurants.
Campagne trop lente
Mais le nombre d’infections reste préoccupant avec près de 3000 nouveaux cas par jour, alors que la campagne de vaccination est jugée trop lente: à ce jour, 1,5 million d’Autrichiens ont reçu une première dose, 645000 la deuxième. Pas assez aux yeux de l’opposition et d’une partie des Autrichiens.
Conscient de ces reproches, Sebastian Kurz a dirigé ses critiques, ces dernières semaines, contre l’Union européenne. Dénonçant une répartition inégale des doses entre Etats européens, il a réclamé un mécanisme de correction, dont, espérait-il, l’Autriche pourrait profiter. Cela n’a pas été le cas et la méthode Sebastian Kurz a irrité en Europe, construisant l’image d’une Autriche égoïste qui ne pense qu’à ses intérêts propres.
Au sein du pays, on le déplore: «L’Autriche ne mérite pas d’avoir un chancelier qui place notre pays à l’écart sur la scène internationale», dénonce le député social-démocrate Jörg Leichtfried.
Dernier écart en date: l’annonce par Sebastian Kurz, le 10 avril dernier, de la fin des négociations avec la Russie concernant l’achat du vaccin Spoutnik
V. Un million de doses pourraient être livrées à l’Autriche d’ici au mois de juin. Et le jeune chancelier n’a, pour le moment, pas exclu que l’Autriche approuve seule ce vaccin, sans attendre le feu vert de l’Agence européenne des médicaments, une agence qu’il qualifiait en février dernier de «lente» et «bureaucratique». Certains experts affichent leur désaccord, préférant attendre une décision européenne.
Objectifs personnels
Mais au-delà des critiques liées à la pandémie, Sebastian Kurz fait face à des révélations embarrassantes: dans le cadre d’une enquête, le téléphone d’un de ses proches, Thomas Schmid, a été saisi et plusieurs messages privés du chancelier et de son entourage ont été rendus publics. Certains échanges ont été très commentés par les partis d’opposition car ils laissent entendre, selon eux, que Thomas Schmid serait arrivé à la tête de la holding d’état ÖBAG grâce à ses bonnes relations avec le parti conservateur et son leader, ce que les concernés nient.
«Ces messages montrent qu’il y a un groupe de personnes autour de Sebastian
Kurz qui sont loyales les unes envers les autres et sont prêtes à utiliser des ressources publiques pour atteindre leurs objectifs personnels», résume le politologue Laurenz Ennser-Jedenastik. Un système qui n’a rien de vraiment nouveau en Autriche mais ces révélations mettent à mal l’image que s’est construite Sebastian Kurz: celle d’un homme au style novateur en politique.
Aujourd’hui, le chancelier perd du soutien. Certes, il reste le premier choix des Autrichiens comme chancelier mais ne recueille plus que 27% d’avis favorables, bien loin des 55% qu’il obtenait en avril 2020. Son parti aussi enregistre une baisse. Effet passager ou tendance durable? Difficile à dire aujourd’hui. «Si j’étais un responsable du parti conservateur [l’ÖVP], mon plus gros souci serait, sur le court terme, de permettre à tout le monde d’être vacciné et de remettre l’économie sur les rails. S’ils y arrivent, cela les aidera certainement. […] Mais les enquêtes qui sont en cours sur plusieurs personnes qui ont des liens étroits avec l’ÖVP pourraient devenir un gros problème pour le parti», prédit Laurenz Ennser-Jedenastik.
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