Le Temps

Coire lutte contre une scène ouverte de la drogue

- C.Z.

Le municipal responsabl­e des Affaires sociales de la ville grisonne dénonce l’inaction du canton et fait part de son désarroi face à une situation hors de contrôle

On croyait ces images reléguées dans le passé. A Coire, dans les Grisons, depuis plusieurs mois un parc public s’est transformé en «scène ouverte de la drogue». Chaque jour, entre 20 et 60 personnes toxicodépe­ndantes du canton et d’autres régions se rendent dans le Stadtpark pour acheter des stupéfiant­s, souvent consommés sur place.

Le problème n’est pas nouveau. Mais il s’est aggravé avec la pandémie, explique le municipal socialiste responsabl­e des Affaires sociales et de la Culture, Patrik Degiacomi, qui ne cache pas son désarroi: «Il y a une école à 100 mètres du parc et des logements pour les apprentis du canton. Des seringues traînent par terre. Sur le chemin de l’école que prend mon fils chaque jour, j’ai croisé un homme qui s’injectait de la drogue. J’aurais voulu lui dire d’aller ailleurs. Mais où? Nous n’avons rien à proposer à ces personnes malades. C’est insupporta­ble.»

C’est l’un des aspects du problème: la ville ne dispose pas d’espace de consommati­on, malgré ses sollicitat­ions auprès du canton. Le Grand Conseil grison a approuvé la création d’un local d’injection en 2018. Mais, depuis, rien ne bouge ou presque. «Les mesures d’aide aux dépendance­s sont entre les mains du canton. Or le Conseil d’Etat ne semble pas reconnaîtr­e l’urgence de la situation», relève Patrik Degiacomi.

Vers la création d’un espace de consommati­on

Dernière évolution en date: l’exécutif grison a finalement mandaté Infodrog, l’agence suisse de coordinati­on et d’expertise en matière de dépendance­s, pour examiner la situation et les besoins dans le domaine de l’aide aux toxicomane­s, comme l’avait réclamé le Grand Conseil. Le rapport d’Infodrog publié début avril identifie des lacunes dans trois domaines: le contrôle des drogues, les salles de consommati­on et le travail de proximité.

La ville se tient prête à contribuer à hauteur de 100 000 francs à la création d’un espace de consommati­on, dont les coûts sont estimés entre 400 000 et 600 000 francs. Mais «il faudra encore attendre décembre et le débat du Grand Conseil sur le budget 2022 avant qu’une infrastruc­ture ne puisse voir le jour», se désole Patrik Degiacomi.

D’ici là, Coire mise sur une série de mesures décidées au niveau municipal, comme le renforceme­nt de la présence de travailleu­rs sociaux sur le terrain. «Nous avons aussi augmenté les contrôles policiers et tenté de fermer le parc, avec comme seul résultat la dispersion des toxicomane­s et des dealers dans les quartiers d’habitation. Nous savons depuis les années 1980 que la répression ne suffit pas», soupire Patrik Degiacomi.

L’expérience réalisée dans dix villes de Suisse depuis les années 1980 a démontré l’efficacité des espaces de consommati­on pour prévenir les décès ainsi que les infections et éviter la formation de scènes ouvertes. Dans ce canton alpin, les problèmes urbains n’ont sans doute pas été perçus avec la même intensité. Les Grisons ont mis en place des hébergemen­ts d’urgence, ou une structure d’accueil à bas seuil. Malheureus­ement, déplore Patrik Degiacomi, «le canton est resté à mi-chemin».

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