A ce stade, le mécanisme Covax est un échec
PANDÉMIE L’Inde, de loin le plus grand fournisseur de vaccins, a interdit les exportations du Covishield, la version locale d’AstraZeneca, depuis presque un mois. Mais selon les responsables du Covax, l’objectif de livrer 2 milliards de doses en 2021 serait atteint
C'était entendu. Les vaccins seraient la réponse à la pandémie de Covid-19 qui a éclaté fin 2019 en Chine. Aidés par des Etats, les laboratoires ont développé plusieurs versions dans un temps record. Dès lors, il fallait non seulement les produire en masse, mais aussi assurer leur distribution aux quatre coins du monde. C'est dans ce contexte qu'est né le système Covax avec l'objectif de faciliter l'accès aux vaccins dans les pays pauvres.
QUELS SONT LES OBJECTIFS DU COVAX ET QUEL EST SON BILAN?
Dès le départ, le mécanisme Covax avait fixé l'objectif de livrer 2 milliards de doses en 2021. Un objectif intermédiaire au 31 mai est de 238,2 millions. Or on est loin du compte. A présent, ce ne sont que 38 millions qui sont arrivés dans une centaine de pays. Le retard n'est pas lié à un manque de fonds. Les pays riches ayant réservé la plus grande partie de la production, il n'en reste plus beaucoup pour le Covax. A ce stade, celui-ci a négocié des contrats auprès de trois entreprises: AstraZeneca, fabriqué par le Serum Institute of India sous la marque Covishield (28,7 millions de doses livrées), AstraZeneca Royaume-Uni (9,6 millions) et Pfizer (750000).
POURQUOI CETTE LENTEUR? POURQUOI SI PEU DE VACCINS DISTRIBUÉS?
Le Covax joue de malchance. La principale source, l'Inde, la plus grande usine de vaccins au monde, n'en livre plus au Covax depuis bientôt un mois. Ainsi les livraisons pour les mois de mars et d'avril ont été pour la plus grande partie annulées. En cause, face à une résurgence de cas d'infection de Covid-19 dans le pays, New Delhi a décidé d'interdire les exportations. «Nous sommes en négociation pour reprendre les livraisons», veut rassurer un porte-parole du Covax.
Et d'ajouter: «Nous avons aujourd'hui des accords nous permettant d'accéder à des vaccins ou candidats-vaccins de plusieurs producteurs différents.» En effet, outre AstraZeneca et Pfizer, de nouveaux contrats ont été négociés avec le laboratoire américain Novavax dont les doses achetées par le Covax seront également fabriquées en Inde, ainsi qu'avec Johnson & Johnson et GSK-Sanofi.
QU’EN EST-IL DE LA CHINE?
La stratégie chinoise est d'organiser elle-même la livraison de vaccins à ses pays amis en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Selon des sources chinoises, Pékin a déjà donné 60 millions de doses. Elle participe toutefois aussi au Covax et a promis de mettre 10 millions de doses à disposition. A ce stade toutefois, aucun de ses trois vaccins candidats n'a été homologué par l'OMS.
QUELS SONT LES DÉFIS LOGISTIQUES?
Jeudi, des vaccins sont arrivés au Niger. Mercredi, des livraisons ont été répertoriées en Mauritanie, en Guinée-Bissau, mardi en Papouasie-Nouvelle-Guinée. A chaque fois, les mêmes images d'un avion sur un tarmac duquel on extrait des cartons estampillés Covax. Les doses arrivent par les airs et trois transporteurs se démarquent dans le déploiement vers les pays moins nantis: Emirates, Ethiopian et Qatar Airways.
L'aéroport de Dubaï, bien doté et positionné, joue un rôle clé, tout comme son compatriote DP World. L'Unicef, qui veut distribuer 850 tonnes de vaccins par mois, orchestre le tout. L'institution dispose d'entrepôts à Copenhague et à Dubaï. L'Unicef livre des réfrigérateurs et forme le personnel chargé de la logistique. En Afrique du Sud, un fabricant de gaz naturel s'est lancé dans les congélateurs mobiles dans ce cadre. Sur le dernier kilomètre, les colis arrivent par la route, mais également à vélo ou par drones.
COMBIEN COÛTE UN VACCIN?
Une certaine opacité est de mise en ce qui concerne les coûts de vaccins. Selon le Covax, il n'est pas évident de détailler les prix du fait qu'ils varient selon différents facteurs. L'Unicef, partenaire direct du Covax, donne une fourchette entre 2,06 et 44 dollars la dose.
Il arrive toutefois qu'ils soient parfois rendus publics involontairement. Ainsi le premier ministre bulgare Boyko Borissov a révélé dimanche que la Commission européenne avait signé des contrats, pour 2022 et 2023, à 19,50 dollars la dose de Pfizer. En décembre, c'était la secrétaire d'Etat belge chargée du Budget Eva De Bleeker qui avait twitté quelques prix négociés par la Commission européenne: 1,78 euro la dose d'AstraZeneca, 6,95 euros le vaccin Johnson & Johnson, 7,56 euros celui de Sanofi/GlaxoSmithKline, 12 euros celui développé par Pfizer, 10 euros la dose de vaccin Curevac, et 14,72 euros celle de Moderna.
QUID DU DÉBAT SUR LES BREVETS?
Le Covax ne constitue pas la plateforme de débat sur le brevet. Face à l'insuffisance de la production, des dizaines de pays demandent une dérogation des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur la protection de la propriété intellectuelle de vaccins. Objectif: augmenter de façon massive la production pour contenir la pandémie. Les pays riches préfèrent effectuer des dons au lieu de céder les brevets au nom des investissements importants nécessaires pour développer tout médicament ou vaccin.
Pour sa part, Ngozi Okonjo-Iweala, la nouvelle directrice de l'OMC, prône une troisième voie; elle veut convaincre l'industrie pharmaceutique de négocier des partenariats tous azimuts pour fabriquer les vaccins. Ce modèle n'est pas nouveau: c'est celui qu'a négocié la firme anglo-suédoise AstraZeneca avec le Serum Institute of India pour produire son vaccin sous licence et sous une marque locale. En espérant que l'interdiction d'exportation imposée par le gouvernement indien soit rapidement levée.
■
Le Covax n’est plus livré par son principal fournisseur, l’Inde. En raison d’un bond des cas de Covid-19 sur son sol, New Delhi a décidé d’interdire les exportations de vaccins