Lettre ouverte à Jacques Dubochet
Monsieur Dubochet, Jeune citoyenne engagée de 30 ans, passionnée par la montagne et les Préalpes où j’ai grandi, je porte beaucoup de respect à vos accomplissements et vos combats, que je trouve tout à fait justifiés. Il faut dire que votre renommée n’est plus à faire depuis que vous avez reçu le Prix Nobel de chimie en 2017. D’ailleurs, les différents articles de journaux sur la ZAD et ses militants ne manquent pas de le rappeler.
Si je vous écris aujourd’hui, c’est pour vous faire part de mon ressenti à la suite de l’évacuation de la ZAD du Mormont qui s’est déroulée le mardi 30 mars.
Depuis ce jour, les constantes provocations adressées à la police et aux autorités ont fait rage sur les réseaux sociaux. Le samedi 3 avril, les revendications ont quitté la Toile et une manifestation s’est déroulée à Lausanne. Le message d’appel à la mobilisation était le suivant: «Contre la répression policière et juridique, défendons nos droits et nos vies.»
Vous étiez présent à cette manifestation qui mentionne à peine la colline du Mormont. Vous y avez montré votre soutien et je suis navrée de voir que, par votre voix et donc votre renommée, vous donniez du crédit à pareilles revendications.
Où est passé le combat des Orchidées du Mormont? Y a-t-il encore des gens qui savent pourquoi la ZAD existait? Car, si la cause est noble, c’est la manière de médiatiser les événements qui l’est moins. Votre combat a malheureusement été noyé médiatiquement par les proportions de l’évacuation. Je cite pour seul exemple la liste des revendications des manifestants de samedi, sur laquelle l’arrêt de l’exploitation de la colline du Mormont n’était cité qu’en sixième et dernière position, après notamment la demande d’abandon des poursuites pénales contre les militants, l’arrêt de la répression policière ou la demande de démission de Béatrice Métraux. Dites-moi, M. Dubochet, votre militantisme écologique a-t-il viré anticapitaliste et antipolice ou ne doit-on y voir qu’un égarement passager?
Quelques interrogations me viennent encore. Vous défendez des jeunes qui clament haut et fort le respect de leurs droits. Ils ne parlent que de ça, leurs droits! Mais alors qu’en est-il de leurs devoirs? N’en ont-ils aucun? Sont-ils vraiment au-dessus de toute loi car ils défendent une cause juste? Si vous estimez que la désobéissance civile est la seule option face au réchauffement climatique, justifie-t-elle le fait de déambuler dans les rues pour y causer des déprédations?
Sincèrement, ce que je déplore le plus, c’est le comportement de la plupart des militants qui ont tout bonnement refusé de s’identifier auprès de la police et parfois même du Ministère public. Ont-ils honte de la cause qu’ils défendent ou ont-ils peur des conséquences de la désobéissance civile? Quelle tristesse que des gens si passionnés par leur avenir et leurs revendications fuient leurs propres responsabilités. Car oui, ils ont aussi des devoirs et pas uniquement des droits. S’ils estiment que tout individu est responsable de la survie de la Terre, je pense qu’ils ont une responsabilité tout aussi importante envers la société et le respect d’autrui.
En conclusion, Monsieur Dubochet, je vous félicite pour vos combats, et la visibilité que vous avez pu leur apporter grâce à votre Prix Nobel est tout à fait remarquable. Toutefois, je suis déçue que votre voix soit utilisée pour donner du crédit à des revendications infondées et fallacieuses ou pour justifier des incivilités. Ces paroles et ces actes finissent par ternir, autant que le béton, l’image que véhiculent les Orchidées du Mormont.
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