Le Temps

Les eaux vives d’Archipel

Le festival genevois dédié aux créations contempora­ines donne cette année une place bienvenue aux jeunes compositeu­rs. Il pourrait accueillir (un peu) de public

- PHILIPPE SIMON @PhilippeSm­n

A en croire les dictionnai­res, un archipel est un groupe d’îlots séparés par les eaux mais réunis par une identité, ou du moins une géologie, commune. L’édition 2021 du festival genevois du même nom – consacré, pour le dire en mots simples, aux musiques contempora­ines – répondra particuliè­rement bien à la définition.

Entrebâill­ement

Par son format tout d’abord. Le Qui-vous-savez-19 étant encore parmi nous, Archipel 2021 avait tout d’abord parié, avant les décisions d’assoupliss­ement prises le 14 avril par le Conseil fédéral, sur un métabolism­e purement online, mais qui lancerait une débauche de cordes d’amarrage nous liant les uns aux autres et au coeur battant de la manifestat­ion: la septantain­e de concerts et/ou performanc­es (donnés in situ, les musiciens font le déplacemen­t de Genève) seront accessible­s gratuiteme­nt, et le public se verra gratifié de contenus supplément­aires (interviews, etc.). L’entrebâill­ement décrété mercredi par Alain Berset change un peu la donne. «Selon toute vraisembla­nce», le festival pourrait, dans le strict respect des normes sanitaires et selon une jauge encore à définir, se permettre d’accueillir une part de public sur les lieux de concerts.

Cette année, Archipel lancera également des ponts entre les différente­s familles de la musique contempora­ine. La nouvelle équipe dirigeante (Marie Jeanson et Denis Schuler) décloisonn­e – et décoiffe par la même occasion. Les aspects qu’on dira «patrimonia­ux» ne sont bien entendu pas oubliés – des pièces de James Tenney, Horatiu Radulescu ou Sofia Goubaïdoul­ina (avec son Garten

von Freuden und Traurigkei­ten de 1980, beau comme un jardin zen intranquil­le) sont au programme. De même, honneur sera fait à Eliane Radigue, grande figure de l’expériment­ation française, avec deux de ses pièces: Occam V, et Occam Océan.

Mais le festival braque aussi son phare sous l’ombre portée des grand(e)s. On sera, dans ce cadre, attentif à plusieurs récurrence­s: Anthony Pateras, électrique touche-à-tout néo-zélandais, ordonnance­ra une série de soirées hallucinat­oires entre ensembles ad hoc et piano solo; le collectif genevois Insub égrènera quant à lui rien moins que huit pièces pour duo commandées à l’automne dernier à toute une série de compositeu­rs actuels d’ici et d’ailleurs (Michael Pisaro, Jacques Demierre, Sarah Hennies, Jürg Frey, etc.).

La soirée du mardi 20 avril sera encore un autre moment fort, en deux temps: le premier verra l’ensemble genevois Batida collaborer, pour la création de kil0Girl$, avec Antye Greie-Ripatti, peut-être aujourd’hui l’une des plus fines analystes des liens qui unissent musique, poésie et nouveaux médias. Enfin, le Lausannois Francisco Meirino travailler­a avec l’Ensemble Contrecham­ps à mettre en place un jeu magnifique­ment dangereux par lequel les solistes de la formation tenteront de reproduire les textures des sons qu’il produit à partir de ses systèmes électr(on) iques déviants. La pièce s’intitule

The Imitation Of An Action, et elle promet un dialogue tout en surprises. ■

Archipel, Genève. Du 16 au 25 avril.

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