Les eaux vives d’Archipel
Le festival genevois dédié aux créations contemporaines donne cette année une place bienvenue aux jeunes compositeurs. Il pourrait accueillir (un peu) de public
A en croire les dictionnaires, un archipel est un groupe d’îlots séparés par les eaux mais réunis par une identité, ou du moins une géologie, commune. L’édition 2021 du festival genevois du même nom – consacré, pour le dire en mots simples, aux musiques contemporaines – répondra particulièrement bien à la définition.
Entrebâillement
Par son format tout d’abord. Le Qui-vous-savez-19 étant encore parmi nous, Archipel 2021 avait tout d’abord parié, avant les décisions d’assouplissement prises le 14 avril par le Conseil fédéral, sur un métabolisme purement online, mais qui lancerait une débauche de cordes d’amarrage nous liant les uns aux autres et au coeur battant de la manifestation: la septantaine de concerts et/ou performances (donnés in situ, les musiciens font le déplacement de Genève) seront accessibles gratuitement, et le public se verra gratifié de contenus supplémentaires (interviews, etc.). L’entrebâillement décrété mercredi par Alain Berset change un peu la donne. «Selon toute vraisemblance», le festival pourrait, dans le strict respect des normes sanitaires et selon une jauge encore à définir, se permettre d’accueillir une part de public sur les lieux de concerts.
Cette année, Archipel lancera également des ponts entre les différentes familles de la musique contemporaine. La nouvelle équipe dirigeante (Marie Jeanson et Denis Schuler) décloisonne – et décoiffe par la même occasion. Les aspects qu’on dira «patrimoniaux» ne sont bien entendu pas oubliés – des pièces de James Tenney, Horatiu Radulescu ou Sofia Goubaïdoulina (avec son Garten
von Freuden und Traurigkeiten de 1980, beau comme un jardin zen intranquille) sont au programme. De même, honneur sera fait à Eliane Radigue, grande figure de l’expérimentation française, avec deux de ses pièces: Occam V, et Occam Océan.
Mais le festival braque aussi son phare sous l’ombre portée des grand(e)s. On sera, dans ce cadre, attentif à plusieurs récurrences: Anthony Pateras, électrique touche-à-tout néo-zélandais, ordonnancera une série de soirées hallucinatoires entre ensembles ad hoc et piano solo; le collectif genevois Insub égrènera quant à lui rien moins que huit pièces pour duo commandées à l’automne dernier à toute une série de compositeurs actuels d’ici et d’ailleurs (Michael Pisaro, Jacques Demierre, Sarah Hennies, Jürg Frey, etc.).
La soirée du mardi 20 avril sera encore un autre moment fort, en deux temps: le premier verra l’ensemble genevois Batida collaborer, pour la création de kil0Girl$, avec Antye Greie-Ripatti, peut-être aujourd’hui l’une des plus fines analystes des liens qui unissent musique, poésie et nouveaux médias. Enfin, le Lausannois Francisco Meirino travaillera avec l’Ensemble Contrechamps à mettre en place un jeu magnifiquement dangereux par lequel les solistes de la formation tenteront de reproduire les textures des sons qu’il produit à partir de ses systèmes électr(on) iques déviants. La pièce s’intitule
The Imitation Of An Action, et elle promet un dialogue tout en surprises. ■
Archipel, Genève. Du 16 au 25 avril.