Le Temps

Dürrenmatt et la chauvesour­is, face au ciel

- VIRGINIE NUSSBAUM @Virginie_Nb «Mathilde (2021)», projet sonore d’Olivia Pedroli, www.oliviapedr­oli.com/MATHILDE-2021

C’est l’histoire de Friedrich Dürrenmatt et de Mathilde. Dans un texte de 1978, l’écrivain raconte comment un soir, alors qu’il est en train de peindre chez lui, il reçoit la visite d’une chauve-souris. La créature revient toutes les nuits suivantes à 2h du matin – il la baptise Mathilde. Jusqu’au jour où l’hôte ferme la fenêtre, tentant de capturer l’animal un court instant. «Elle était très vexée et ne se montra plus jamais. […] Ce fut la vengeance de Mathilde.» Cet épisode de la vie de Dürrenmatt, reflet de sa fascinatio­n pour le vivant et sa préoccupat­ion pour l’environnem­ent, a touché la compositri­ce Olivia Pedroli, par ailleurs une des lauréates du Prix du cinéma suisse 2020 pour la meilleure musique de film. «Le lien qu’il tisse avec cette chauve-souris est magnifique, et j’ai l’impression qu’il a eu un réel impact sur son oeuvre, sa vision de notre existence en tant qu’êtres humains.»

Celle qui a grandi non loin de la résidence neuchâtelo­ise de Dürrenmatt se met en tête d’illustrer en musique cette rencontre volatile. Alors qu’il célèbre justement le centenaire de la mort de l’écrivain cette année, le Centre Dürrenmatt Neuchâtel s’associe au projet, qui naîtra en plein air. «J’ai composé en extérieur, dans un seul et même lieu près de chez moi où je me rendais tous les jours, en regardant le ciel», raconte Olivia Pedroli. On retrouve ce sentiment d’immensité dans

Mathilde, création de 26 minutes pour trois voix, un violon et un violoncell­e. Un voyage contemplat­if, mystique presque, où les cordes se mêlent aux timbres célestes de l’ensemble Flores Harmonici et à ceux… de pipistrell­es. «Avec le spécialist­e Michel Barataud, nous avons conclu que Mathilde devait appartenir à cette espèce, précise Olivia Pedroli. Les enregistre­ments inclus sont les siens, réalisés avec deux types d’appareilla­ge pour rendre audibles les cris des chauves-souris.»

En attendant d’être présentée au Centre, assortie d’un film où s’étalent des ciels crépuscula­ires, voire sous la forme de concerts live, Mathilde s’écoute gratuiteme­nt sur le Net. Idéalement face au ciel. «L’idée est surtout de prendre le temps, de ralentir.» Et pourquoi pas d’apercevoir, comme dirait Dürrenmatt, un «ange des souris»…

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