Etre efficace – oui, mais rapidement!
Tony Blair: «Le défi des démocraties occidentales est un défi d’efficacité. Nos politiciens, en général, ne sont pas corrompus mais ils ne donnent pas les services qu’attendent les citoyens. Notre système coûte cher et ne produit pas assez.» C’est vrai: de la pandémie aux réformes économiques, nos gouvernements sont jugés sur leur efficacité, peut-être plus encore que sur leurs principes.
Aujourd’hui, l’Union européenne a mauvaise presse à cause de la débâcle de la vaccination du covid. 14% des citoyens de l’Union ont reçu un vaccin, contre 38% pour les Américains et 58% pour les Britanniques. Boris Johnson ou Benyamin Netanyahou sont populaires malgré leurs dérapages parce qu’ils sont perçus comme étant efficaces et rapides.
Pourtant l’efficacité ne vient pas uniquement des leaders mais aussi de l’administration. Un pays compétitif a toujours une administration efficace. En France, Emmanuel Macron veut être un président dynamique, réformateur et efficace, mais derrière lui son administration ne suit pas. On ne peut pas être efficace tout seul.
Les rapports de l’IMD sur la compétitivité mondiale analysent l’efficacité des gouvernements avec plus de 70 critères. Régulièrement, les pays qui arrivent en tête du classement sont Hongkong, les Emirats arabes unis, Singapour, la Suisse, la plupart des pays de l’Europe du Nord ainsi que la Nouvelle-Zélande. Les petits pays sont-ils plus faciles à gérer?
Peut-être, mais pour les plus grands l’efficacité est souvent abordée par l’angle de l’autocratie. Un gouvernement centralisé, fort et autoritaire apparaît parfois comme la réponse aux besoins d’efficacité de la population. La Chine, la Russie, le Brésil ou la Turquie suivent cette voie. En Europe, certains sont tentés.
Pour les entreprises, l’efficacité des administrations est fondamentale. La globalisation a été un moyen de contourner l’inefficacité de certains pays. Avoir le choix de l’emplacement de ses investissements permet aux entreprises de faire pression sur les gouvernements: on peut toujours déménager et aller ailleurs.
L’autre tentation est la corruption. Contrairement aux idées reçues, l’essentiel de la corruption économique ne se concentre pas sur l’illégalité. Dans la plupart des cas, la corruption consiste à mettre «de l’huile dans les rouages», c’està-dire accélérer des processus bureaucratiques qui autrement prendraient une éternité.
Pourquoi cette inefficacité? Dans les pays en développement, la raison principale est le manque de rémunération décente et de formation pour la fonction publique. Dans beaucoup de pays, l’administration a tendance à se gérer ellemême, sans contrôle véritable. La corruption est le moyen de compléter le salaire.
De plus, le manque de statistiques fiables permet de passer sous le radar. La Banque mondiale estime qu’aujourd’hui un milliard de personnes n’ont pas de pièce d’identité. Au Congo, le dernier recensement date de 1984! L’impunité se propage.
Dans les pays avancés, l’inefficacité de l’administration est principalement la conséquence de sa taille. Beaucoup de dirigeants ont créé des emplois artificiels dans le public pour masquer la réduction des emplois dans le privé. En Europe, le secteur public représente entre 20 et 30% de l’emploi total, et ne cesse de croître. La Norvège compte 160 employés du public pour 1000 habitants.
Les lois de Cyril Northcote Parkinson s’appliquent alors:
1. «Le travail s’étend de manière à remplir le temps disponible pour sa réalisation», 2. «Les chefs créent des subordonnés, pas des rivaux» et 3. «Les chefs créent du travail les uns pour les autres». En conséquence, et d’après lui, la bureaucratie augmenterait de 5 à 7% par an, indépendamment du travail à faire.
C’était en 1955. Entre-temps, de nombreuses administrations ont changé, se sont modernisées et digitalisées. Elles ont adopté une approche service-client. C’est bien, car une administration compétente et transparente est l’épine dorsale de nos démocraties.
Mais à l’heure des grandes pandémies, être efficace, c’est aussi être rapide et résilient. L’urgence est un électrochoc. Elle bouscule la routine qui est, selon John Stuart Mills, la maladie que propage la bureaucratie. Or, précisément, les crises tuent la routine et exposent les inefficacités. C’est donc aussi une opportunité pour mieux gérer nos Etats. Si on en tire les conséquences, rapidement…
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