Le Temps

Reinhard Kaiser-Mühlecker: «L’Autriche d’aujourd’hui est la conséquenc­e des horreurs du passé»

-

Vous avez écrit «Lilas rouge» alors que vous n’aviez pas 30 ans. Comment le voyez-vous aujourd’hui, dix ans après? Ce livre garde toujours une grande importance pour moi, même une décennie plus tard, et je suis très heureux qu’il paraisse en français. C’était un chant pour un monde qui n’existe plus, dont j’ai encore pu percevoir comme un souffle. De ce souffle, j’ai tenté de faire un livre. Jamais plus je n’ai narré avec une telle ampleur, de manière si épique. Je pense parfois avec une belle nostalgie à l’époque de son écriture.

De nombreux auteurs autrichien­s dont Thomas Bernhard, Elfriede Jelinek, Peter Handke se sont confrontés au passé de l’Autriche. Ils l’ont fait sur le mode de l’invective et de l’accusation. Vous aussi affrontez ce passé, mais sur un tout autre ton, plus allusif et mesuré. Une question de génération? Dans mon travail, j’essaie toujours d’inclure le passé. C’est comme ça que je vis le présent de l’Autriche: comme la somme ou la conséquenc­e du passé avec ses horreurs, en particulie­r la persécutio­n, l’expulsion et la destructio­n de la vie juive. Avec elle, c’est l’éducation, la culture qui ont disparu de ce pays, et on le perçoit encore douloureus­ement jusqu’à aujourd’hui. Je ne sais pas si c’est une question de génération. Les auteurs que vous nommez ont fait ce qu’il fallait faire à leur époque, je crois. Mais c’est surtout une question de personnali­té. Il n’est pas dans mon caractère de juger. Je voudrais comprendre. Et ne pas m’élever, du moins en écrivant, au-dessus de ceux dont la conception du monde est différente. Même si, en tant qu’individu, je considère les choses autrement.

Vous avez repris l’exploitati­on familiale. Comment conciliez-vous le travail agricole et l’écriture? Oui, désormais la ferme m’appartient. Le travail physique me fait du bien et je suis content d’avoir une autre occupation que la seule intellectu­elle. J’aime bien être au grand air.

On vous compare souvent à Adalbert Stifter (1805-1868). Mais on peut aussi percevoir chez vous des accents faulknérie­ns. Comment vous situez-vous? De nombreux auteurs ont écrit sur leur région, depuis toujours. Prenez Mo Yan, pour prendre un exemple vivant. Faulkner était un génie que j’ai toujours admiré et auquel je ne saurais me mesurer. Les deux sont sans doute plus proches l’un de l’autre que moi d’aucun des deux. Ce qui m’occupe le plus, au fond, c’est toujours l’amour dans ses innombrabl­es formes.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland