Le Temps

La démocratie suisse à l’épreuve de la défiance

- VINCENT BOURQUIN @letemps

Alors que le Royaume-Uni supprime toutes les mesures restrictiv­es et que la France durcit le ton sur la question de l’obligation vaccinale, la Suisse suit sa propre voie. Elle n’est ni libérale au sens britanniqu­e du terme, ni centralist­e à la française… elle est simplement suisse. Sa gestion de la crise de la pandémie l’a parfaiteme­nt illustré. Elle s’est basée sur les deux piliers de notre système politique: le fédéralism­e et la démocratie directe.

Globalemen­t, la Confédérat­ion s’en sort plutôt bien en comparaiso­n internatio­nale. Tant sur le plan sanitaire, économique que social. Tout n’a bien sûr pas été parfait: au pic de la crise, le fédéralism­e a été un frein. Il est donc essentiel de le questionne­r et de le rendre plus souple. Autre réalité: la situation actuelle redevient inquiétant­e. En une semaine, le nombre de contaminat­ions a doublé en raison de nombreux cas liés au variant Delta. Et surtout le taux de vaccinatio­n stagne. Il dépasse de peu les 50%, ce qui est insuffisan­t au vu des derniers développem­ents.

Jamais en Suisse on ne verra pourtant Guy Parmelin au 19h30 haranguer le peuple et le sommer de se vacciner. Ce n’est absolument pas dans l’ADN helvétique. Ici, il faut tenir compte des différente­s sensibilit­és cantonales, culturelle­s ou sociétales. L’injonction ne fonctionne pas. L’incitation a plus de chances d’aboutir, menée essentiell­ement par les autorités cantonales, plus proches de la population. Leur rôle est d’informer, d’expliquer, de rassurer et de convaincre le plus grand nombre que le retour à une vie normale passera par le vaccin et non par une multiplica­tion de tests PCR.

Cette politique de conviction doit éviter toute stigmatisa­tion des personnes sceptiques ou opposées à la vaccinatio­n. Leur questionne­ment et leurs inquiétude­s doivent être entendus et respectés, sans arrogance. Là encore, le système politique helvétique le permet, grâce à la démocratie directe. Les Suisses ont voté une première fois en juin sur la loi covid et l’ont acceptée par 60% des votants. Un résultat assez serré qui illustre un pays divisé, en sachant que tous les avis peuvent s’exprimer, sans dresser des barricades dans les rues. Cette diversité d’opinions force les autorités à justifier, clarifier, débattre. Un débat d’ailleurs loin d’être terminé, puisqu’une deuxième votation aura lieu en novembre. Elle portera essentiell­ement sur le certificat vaccinal.

La défiance qui augmente nécessite des réponses cohérentes et constructi­ves. Exigera-t-elle un changement de ton? Marqué par la culture du consensus, le Conseil fédéral a pour l’heure évité de prendre des décisions extrêmes comme le confinemen­t total ou une ouverture précipitée. Tout l’art de gouverner, encadré par la démocratie directe, sera encore plus requis si la situation devait continuer à s’aggraver. ■

L’incitation a plus de chances d’aboutir

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