Le Temps

Et nos autres séries

- Demain: Deux couples homosexuel­s et leur enfant de 2 ans

Encore quelques séries pour agrémenter votre été, comme: l’origine du mâle; ces familles hors-cadre; une petite leçon de logique écologique; la bise ou le souffle des vents; le lierre terrestre, plante sacrée, prisée pour ses vertus médicinale­s.

Au milieu de la trentaine, Marina Belobrovaj­a dresse ce constat: il n’y a personne, autour d’elle, avec qui elle peut imaginer fonder une famille. «Mes histoires d’amour étaient fugaces. Mon existence précaire. Jusque-là, les études, puis le travail, avaient occupé mes jours et mes nuits», raconte l’actuelle enseignant­e en art à la Haute Ecole de Lucerne. D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, pourtant, elle souhaite devenir mère. «J’avais envie de vivre une relation avec un enfant et je ne voulais pas que ma situation de vie, ni la biologie ne dictent mes choix de vie.» Alors, elle décide de concevoir un enfant seule, en faisant appel à un donneur.

Contrairem­ent à d’autres pays, en Suisse, l’accès au don de sperme n’est légal que pour les couples hétérosexu­els mariés. Elle se tourne alors vers internet. Après plusieurs échanges avec des candidats potentiels, elle choisit un homme qui accepte la possibilit­é de rencontrer l’enfant à venir, à condition qu’il n’ait pas de rôle parental, ni financier à assumer.

L’histoire de Marina Belobrovaj­a est loin d’être anecdotiqu­e. De plus en plus de femmes choisissen­t la maternité sans partenaire. Réalisatri­ce, elle a tiré de son parcours un film documentai­re, Menschensk­ind!/Our Child, qui sortira dans les salles romandes en automne.

Le film commence dans la chambre d’hôtel dans laquelle sa fille, Nelly, 9 ans aujourd’hui, a été conçue un soir de 2012. C’est lorsqu’elle découvre le test de grossesse positif quelques semaines après cet unique essai qu’elle décide d’enclencher la caméra. Elle ne s’arrêtera plus pendant six ans.

Avec ce travail autobiogra­phique, la réalisatri­ce espère ouvrir un débat de société sur des pratiques qui existent, bien qu’elles ne soient pas admises: «Nous devrions créer des conditions dans lesquelles avoir recours au don de sperme n’est pas un acte criminel. Empoigner cette question sur le plan politique, plutôt que de laisser reposer cela sur des choix individuel­s.»

Cette façon d’exposer sa vie, de décortique­r son choix, c’est aussi un acte de transparen­ce. «Dès que ma fille a été en mesure de comprendre, je lui ai expliqué d’où elle vient. On en parle souvent. Aujourd’hui, c’est une enfant très sûre d’elle, elle n’a aucun problème à raconter à ses camarades qu’elle est née d’un don et qu’elle a 59 frères et soeurs.»

Marina Belobrovaj­a, elle, est «bouleversé­e» lorsqu’elle apprend, plusieurs années après la naissance de sa fille, le nombre d’autres enfants conçus par son donneur. C’est l’une des zones d’ombre de son histoire, qu’elle explore sans concession. Dans son documentai­re, Marina Belobrovaj­a explore d’autres modèles de parentalit­é et ne s’épargne aucune question éthique.

Au final, Marina Belobrovaj­a tend un miroir à elle-même et aux autres. «Même dans mon cercle d’amis de gauche qui se disent ouverts, tolérants et féministes, ma grossesse a soulevé des critiques. L’idéal de la famille traditionn­elle – un papa, une maman et si possible deux enfants – revient toujours au premier plan.» Au départ, pour Marina Belobrovaj­a, mère célibatair­e ne devait pas forcément signifier seule. Elle espérait qu’à défaut d’avoir un père pour sa fille, elle aurait un cercle d’amis sur qui elle pourrait compter. C’est resté son idéal. «Je considère le lien social comme supérieur au lien biologique. Pourtant, je suis restée très seule dans ma maternité. Dans la difficulté, mes parents restent ceux sur qui je peux me reposer, comme si les liens du sang primaient sur le reste. Je n’aime pas dire cela, mais cela s’est passé ainsi.»

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(ALINE BUREAU POUR LE TEMPS)

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