A Pepinster, des décombres, des secours et des questions
Vingt-sept personnes ont trouvé la mort dans les inondations depuis le 15 juillet. Epicentre des dévastations, alors que les recherches se poursuivaient pour retrouver une centaine de disparus: la province de Liège
A Pepinster, commune de Wallonie particulièrement touchée par les inondations, les secours s’acharnaient toujours, dimanche, à trouver des survivants dans des décombres d’habitations. Il y a quelques minutes, des cris d’habitants auraient été entendus depuis un carré de maisons en plein centre de cette bourgade de 10000 habitants. Immédiatement, les riverains se sont mis à espérer, comme Joseph, qui s’était réfugié deux jours plus tôt avec sa famille sur le toit de sa maison, où ils ont attendu pendant des heures sous la pluie avant de pouvoir être évacués.
«Il paraît que deux personnes seraient encore en vie», rapporte ce propriétaire dont la demeure reste barrée par des rubans de police avec quelques autres maisons mitoyennes. «Elles vont s’effondrer», dit Joseph, qui nous montre le niveau d’eau, juste en dessous des fenêtres de son premier étage. Dans cette rue adjacente à la rue de la Régence, la principale rue du bourg, quelques militaires s’activent. Les camions-citernes spécialisés sont à l’arrêt. Ils ne peuvent plus aspirer l’eau et la boue qui regorgent encore dans la rue. «Les bâtiments sont trop instables», reprend Joseph.
«Un mouvement de trop et tout tombe»
«Un mouvement de trop et tout tombe», dit un autre jeune passant, attendant comme les autres que les recherches de survivants apportent au moins des bonnes nouvelles. Dimanche matin, le bourgmestre de Pepinster, Philippe Godin, a affirmé que personne n’avait été trouvé.
Pepinster, avec Verviers, Chaudfontaine mais aussi la ville de Liège, fait partie des zones les plus affectées par les inondations. Six personnes y ont perdu la vie au moins et 31 sont portées disparues. «La police est venue nous demander cet après-midi si on avait revu tel ou tel», raconte Véronique, tenante de la taverne La Neuve dont elle écope l’eau boueuse avec un groupe d’amis et des bénévoles venus spontanément de Bruxelles.
Son bar dévasté atteste de l’ampleur des dégâts, tout comme la boucherie à côté. Dans la rue, certains commerces sont entièrement éventrés comme cette pharmacie ou le magasin de cet opticien. Des voitures sont encastrées dans les routes, recouvertes de branches d’arbre ou de morceaux de trottoir. Partout s’amassent les canapés, les appareils électroménagers bons à jeter mais aussi des jouets d’enfants, de la vaisselle, des caisses de transport d’animaux, tous souillés. Des pans entiers de vie jetés à la rue, quand ils ne flottent pas encore dans la rivière Vesdre. «Personne ne peut prétendre qu’il a déjà vu un truc pareil», lâche un habitant.
Contrairement à l’Allemagne, le niveau de l’eau en Belgique, en l’occurrence surtout celui de la Vesdre, de l’Ourthe ou de la Meuse à Liège, ne préoccupait plus les autorités ce dimanche. Mais la stabilité des maisons ou des infrastructures, entre ponts et routes, était sous haute surveillance. A Liège, où deux quartiers ont été particulièrement touchés, Angleur et Chênée, après l’urgence du relogement, c’est cette phase de sécurisation qui commence, explique Christine Defraigne, l’une des élues municipales, entre les installations électriques, de gaz ou le rétablissement de l’eau potable.
Dans cette ville de 197000 habitants, «12700 personnes sont affectées». La première priorité a été de les reloger, notamment celles sans liens de famille; des chambres d’hôtel ont été mobilisées, des centres d’accueil réquisitionnés «et on met la pression sur les propriétaires privés pour qu’ils mettent des logements à disposition», dit cette responsable de la famille du MR (droite). La pression est aussi mise sur les assurances, dit-elle. Et il faut s’assurer que les services de ramassage et de déchetterie fonctionnent à plein. «Il faut retrouver l’apparence de normalité le plus vite possible», poursuit Christine Defraigne et ne pas faire durer ce visuel anxiogène.
La région wallonne procédera elle à son niveau à l’inspection des routes, chaussées ou ponts alors que des axes entiers de liaison ont été coupés par les intempéries. Rejoindre Bruxelles depuis Pepinster en voiture prenait ainsi 3h30 samedi, contre 1h30 habituellement. Les trains ne circulaient plus. Et les questions pleuvent: à Angleur, notamment dans la rue GardeDieu, on commençait samedi à s’interroger. A l’image de Rudi, 55 ans, propriétaire d’une maison qu’il ne pourra pas relouer avant un moment. Les services de secours auraient-ils pu être plus compétents alors qu’une réforme sous le gouvernement précédent «a réduit les ressources de la protection civile»? Rudi et ses amis venus l’aider le pensent fortement.
La question de la responsabilité se posera
Pour Christine Defraigne, il faudra évidemment répondre à cette question de la responsabilité «mais plus tard». En attendant, des pompiers sont venus de tous les coins d’Europe, de France ou d’Italie et l’élue attend aussi beaucoup de l’Union européenne et de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen qui était sur place samedi avec le premier ministre Alexander De Croo. «Sans aide de l’UE, les communes ne tiendront pas le coup financièrement», dit-elle.A Pepinster, Angleur ou à Chênée, ces préoccupations semblaient toutefois encore très secondaires pour des habitants affairés à nettoyer leurs caves ou rez-de-chaussée. Dans l’impasse du Gué, à Chênée, une grande équipe d’amis et de voisins s’activait ainsi dans la bonne humeur au milieu des gravats et objets divers, pas décidée à se laisser abattre et soutenue par de nombreux bénévoles venus de tous les coins de la Belgique, offrant un coup de main, de la nourriture ou même l’hospitalité. De quoi se sentir soutenus. Du moins pendant quelques heures.
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«Personne ne peut prétendre qu’il a déjà vu un truc pareil» UN HABITANT DE PEPINSTER