Le Temps

L’Allemagne vers un gouverneme­nt inédit

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN @delphnerbo­llier

Sociaux-démocrates, écologiste­s et libéraux ont annoncé vendredi qu’ils entraient dans la véritable phase de négociatio­ns en vue de former une coalition. Décryptage des concession­s auxquelles chacun a consenti

tLe traumatism­e de 2017 ne se répétera pas. Il y a quatre ans, les libéraux du FDP avaient claqué la porte à l’issue de négociatio­ns exploratoi­res avec les chrétiens-démocrates et les écologiste­s. Cette fois, le parti de Christian Lindner reste dans le jeu et veut poursuivre les négociatio­ns pour former un gouverneme­nt avec les sociaux-démocrates du SPD et les écologiste­s d’Alliance 90/les Verts. Les trois formations ont annoncé ce vendredi vouloir approfondi­r leur travail, passer dans la phase officielle des négociatio­ns de coalition et plancher sur la rédaction d’un accord de coalition, si possible dès la semaine prochaine.

A moins d’une énorme surprise, le premier gouverneme­nt fédéral dit Ampelkoali­tion ou du «feu tricolore» (en référence aux couleurs rouge, jaune et vert associées à ces trois partis) de l’histoire de l’Allemagne devrait voir le jour d’ici à Noël, avec à sa tête le social-démocrate et ministre des Finances Olaf Scholz. Son parti est arrivé en tête lors des élections du 26 septembre.

Entre les dirigeants de ces trois formations politiques, aux programmes pourtant assez éloignés, régnait ce vendredi une harmonie inhabituel­le. Alors qu’Olaf Scholz voit dans ce futur travail collectif la possibilit­é de «réaliser le plus grand effort de modernisat­ion du pays», sa collègue écologiste Annalena Baerbock parle «d’une décennie de changement­s». Pour le libéral Christian Lindner, il «n’a jamais existé une telle chance de moderniser le pays au niveau économique, étatique et sociétal». «Nous voulons faire des années 2020 une décennie d’investisse­ments d’avenir», résument-ils dans un document commun de 12 pages.

Projets communs

Climat, modernisat­ion de l’Etat, réformes sociales et sociétales, les trois partis disent avoir cherché des projets communs sur lesquels chacun accepte de faire des concession­s. Ainsi, sur la question climatique, devenue centrale dans l’agenda politique allemand, les Verts obtiennent gain de cause quant à une sortie du charbon anticipée d’ici à 2030 au lieu de 2038. Les trois partenaire­s envisagent un vaste plan d’accélérati­on de la production des énergies renouvelab­les avec l’obligation de réserver 2% du territoire allemand à l’éolien et de rendre obligatoir­e la constructi­on d’installati­ons solaires sur les nouveaux bâtiments publics.

Autre question centrale mise en exergue par la pandémie, les trois partenaire­s veulent accélérer la numérisati­on des administra­tions et des écoles, et moderniser l’Etat. En matière de politique sociale, SPD et Verts ont convaincu les libéraux de rehausser le salaire minimum à 12 euros, de revoir le montant des mini-jobs, de maintenir le niveau des retraites et de transforme­r le système d’aide au chômage de longue durée, connu sous le nom de Hartz IV.

En revanche, la gauche a cédé en matière financière face à des libéraux qui avaient posé des lignes rouges. Il n’y aura pas de hausses d’impôts pour les revenus les plus élevés et le frein à la dette, inscrit dans la Constituti­on mais levé durant la pandémie, redeviendr­a la règle dès 2023. Comment dès lors financer cette décennie d’investisse­ments? Le document rendu public ne donne aucun détail mais l’actuel ministre des Finances, Olaf Scholz, assure de l’existence de «marges de manoeuvre».

Quant aux réformes sociétales, elles pourraient concerner le droit à la citoyennet­é, la médecine reproducti­ve et l’immigratio­n avec un système à points comme au Canada. Soutenue par les trois partis, la légalisati­on du cannabis n’apparaît pas dans ce premier document mais pourrait bien faire son entrée dans l’accord de coalition qui sera négocié ces prochaines semaines. Le travail sérieux se poursuit.

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Les Verts obtiennent gain de cause quant à une sortie du charbon d’ici à 2030 au lieu de 2038

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