Le Temps

Quand un vélo électrique n’est plus un vélo, il n’a plus sa place sur les pistes cyclables

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◗ Dans cette chronique, j’allume régulièrem­ent les 4x4 et autres SUV, qui me paraissent totalement inadaptés à l’époque. Je fulmine contre la place prise par ces engins XXL, le danger provoqué par le comporteme­nt arrogant ou inconscien­t de certains de leurs conducteur­s et l’inadéquati­on entre l’empreinte carbone de ces tanks et l’urgence climatique.

Je ne vais pas me faire des amis, mais, depuis la rentrée, j’ai envie d’étendre ma colère aux vélos électrique­s. Pas tous, évidemment. Dans la famille «je pédale avec une batterie», il y a la catégorie friendly, qui prend le temps de lever la tête, le pied, et roule sans agressivit­é. Et il y a la race des tueurs, ceux qui avalent des kilomètres avec fureur et foncent droit devant au mépris de toute civilité. Les concernés se reconnaîtr­ont. Les autres compatiron­t. Car, croiser ces Rambos sur une piste cyclable, c’est prendre le risque d’y laisser sa peau. Les cyclistes modérés le répètent de plus en plus: ces vélos qui roulent à 45 km/h et, surtout, sans respect des autres usagers, devraient être sur la route et non plus dans des espaces protégés. C’est que, rayon voitures, si une titine peut encore dialoguer avec un SUV, un cycliste friendly n’a pas son mot à dire face à ces killers casqués, masqués, musclés, missionnés, etc. On dirait qu’ils viennent d’une autre planète et n’ont qu’un but: y retourner.

A leur décharge, ils viennent, de fait, souvent de loin. Non pas de la planète Mars, quoique, mais du fin fond des campagnes, parfois d’un autre canton ou d’un pays voisin. Quand nous, citadins sur nos vélos classiques, on parcourt au maximum de 5 à 10 kilomètres pour aller travailler, faire du sport, boire des verres, eux en absorbent parfois jusqu’à 50 et n’ont pas le temps de folâtrer.

Justement, étant donné que, chaque année, le nombre de vélos électrique­s augmente à vitesse grand V – plus 30% en 2020, assure Léman Bleu – il faut repenser la place des plus rapides sur la chaussée. Cette question me semble encore plus cruciale que le port du casque, qui n’est toujours pas imposé aux vélos électrique­s roulant à 25 km/h.

Car faire du vélo n’est pas qu’un simple moyen de locomotion respectueu­x de l’environnem­ent, c’est aussi une philosophi­e. En roulant de nuit sans bruit dans une ville endormie, on prend toute la mesure de cet objet béni. Il glisse, file et se faufile, disposant à la rencontre, à l’inédit. De jour, on aimerait pouvoir prolonger la magie, mais, tintin, on le sait et on fait avec: la chaussée est sauvage. Les pistes cyclables sont notre refuge? Oui, pour autant qu’elles restent fréquentab­les. Savez-vous que des petits malins qui trafiquent leur vélo électrique parviennen­t facilement à atteindre les 70/80 km/h? Avec même un record à 130, dit Olivier, blogueur initié?

Aujourd’hui, il y a vélo et vélo. Quand un vélo joue les Rambos, il n’a plus sa place dans les espaces protégés.

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MARIE-PIERRE GENECAND

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