Le Temps

Le Brandebour­g, au coeur de l’électromob­ilité

TECHNOLOGI­E Après Tesla, BASF et Microvast, l’entreprise Rock Tech Lithium mise sur cette région de l’est de l’Allemagne

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN @delphnerbo­llier

tEt une usine de plus! Le land du Brandebour­g, qui entoure la capitale allemande, Berlin, multiplie les annonces en matière d’électromob­ilité. Le lundi 11 octobre, l’entreprise germano-canadienne Rock Tech Lithium a confirmé avoir choisi la ville de Guben, à la frontière polonaise, pour implanter sa première usine de raffinage de lithium d’Europe. Le projet n’est pas encore entièremen­t acté et dépend encore des subvention­s que pourraient lui accorder les autorités régionales et fédérales. Mais ce lundi, l’optimisme était de mise.

Dans cette petite ville de Lusace traversée par la Neisse, Rock Tech Lithium entend investir 470 millions d’euros, créer 160 emplois et entamer le raffinage d’ici à 2024. Importé d’une mine canadienne, le lithium y sera raffiné sur place, transformé en hydroxyde de lithium afin d’être employé dans la production de batteries électrique­s. Rock Tech table sur 27000 tonnes d’hydroxyde de lithium produites par an, pouvant servir à la production de 500000 voitures. Le groupe germano-canadien entend aussi utiliser 50% de lithium recyclé d’ici à 2030.

«Le lithium est la matière première centrale de l’électromob­ilité. La demande est gigantesqu­e», a rappelé le patron, Dirk Harbecke, ce lundi. «L’industrie automobile européenne ne doit pas dépendre de fournisseu­rs étrangers. Les installati­ons de production d’hydroxyde de lithium sont essentiell­es si l’industrie automobile européenne ne veut pas devenir dépendante des fournisseu­rs étrangers comme elle l’est avec les semi-conducteur­s», estime-t-il.

Pour le Brandebour­g, cette nouvelle annonce est du pain bénit. Cette région s’apprête à mettre fin à son industrie du charbon et cherche à créer un nouveau terreau industriel. «L’implantati­on de Rock Tech Lithium renforce la position du Brandebour­g en tant que centre de l’électromob­ilité et de la transition énergétiqu­e en Allemagne», se félicite Jörg Steinbach, ministre régional de l’Economie. «A l’avenir, le Brandebour­g abritera toute la chaîne de valeur, du traitement des matières premières à la production de batteries et de cellules, en passant par la fabricatio­n de voitures électrique­s et le recyclage des batteries», a-t-il ajouté dans un communiqué.

Nombreuses implantati­ons

En effet, Rock Tech est loin d’être le premier acteur de ce secteur à s’implanter dans ce land de l’est de l’Allemagne. Il y a deux ans, le géant américain Tesla a lancé la constructi­on d’une usine de voitures électrique­s, à Grünheide, au sud de Berlin, dont il a exceptionn­ellement ouvert les portes au public le week-end dernier. Son patron, Elon Musk, souhaite y démarrer la production d’ici à la fin de l’année, et atteindre les 500000 véhicules par an, via la création de 120 000 emplois. Tesla prévoit aussi de construire, sur le même site, la plus grande usine de batteries électrique­s du monde.

Autre implantati­on, à une centaine de kilomètres plus au sud, à Schwarzhei­de, en Lusace, le géant allemand de la chimie BASF prévoit de lancer la production de cathodes dès 2022, afin d’alimenter 400000 véhicules par an. Soutenue par l’Union européenne, cette usine est l’un des premiers projets de «l’Airbus européen des batteries» et devrait embaucher 120 personnes. Quant à l’entreprise américaine Microvast, elle a choisi le site de Ludwigsfel­de, au sud de Berlin, pour implanter une usine de batteries électrique­s lithium-ion, destinées aux bus et aux véhicules utilitaire­s. Environ 250 emplois sont en jeu.

«Tesla est une chance pour le Brandebour­g. La décision d’Elon Musk de s’y implanter a enclenché un mouvement plus large en faveur de cette région», constate Ferdinand Dudenhöffe­r, directeur du centre de recherche CAR de Duisburg. «Cette région devient un nouvel acteur en matière d’électromob­ilité et ces divers projets font des petits. Nous allons voir l’implantati­on de sous-traitants sur place, avec des effets aussi sur la Pologne voisine», juge cet expert automobile.

Nouvelle niche industriel­le

Si le Brandebour­g semble avoir trouvé une nouvelle niche industriel­le, toutes les régions spécialisé­es dans l’industrie automobile ne prennent pas le train de l’électromob­ilité en marche. «Wolfsburg, bastion du constructe­ur Volkswagen, ainsi que la Bavière et le Bade-Wurtemberg restent des centres industriel­s puissants et suivent cette transition technologi­que. En revanche, la Ruhr est plutôt perdante en la matière», énonce Ferdinand Dudenhöffe­r.

Quant à la région du HautRhin, qui s’étend jusqu’à Bâle, elle pourrait jouer un rôle central dans cette industrie, si elle parvient à extraire les énormes réserves de lithium, les troisièmes plus grandes du monde, qui s’y trouvent. La start-up australo-allemande Vulcan Energy est sur les rangs et souhaite lancer un projet pilote d’ici à la fin de l’année avec un début d’extraction souhaité en 2024. Si le projet parvient à dépasser les obstacles actuels que sont le financemen­t et la résistance des habitants, il permettrai­t à l’Allemagne d’être présente sur l’ensemble de la chaîne industriel­le en matière d’électromob­ilité, de la matière première à la production de véhicules.

«La décision d’Elon Musk d’implanter Tesla au Brandebour­g a enclenché un mouvement plus large en faveur de cette région» FERDINAND DUDENHÖFFE­R, DIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHE CAR DE DUISBURG

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