Ces applications qui concurrencent les CFF
La billetterie numérique se développe en Suisse avec, par exemple, l’application des CFF ou la solution Fairtiq. Des opérateurs privés se lancent sur ce marché. L’application Whim est désormais disponible. Se trouvera-t-elle une place à côté des offres ex
tVoyager où l’on veut, quand on veut, avec le moyen de transport de son choix, combiner sa mobilité avec des offres de loisirs: ce juteux marché suscite bien des convoitises. Mais il n’est pas facile de s’y engouffrer, car les offres liées aux CFF règnent en maîtres sur les prestations de mobilité en Suisse. C’est pourtant le pari que tentent de relever Jean-Michel Henchoz et Christophe Godel. Ces deux Romands pilotent des projets innovants de billetterie.
Le premier conduit l’entrée en Suisse de MaaS Global, leader mondial du concept de Mobility as a Service (MaaS), qui permet à ses utilisateurs d’acheter des tickets de mobilité combinant de nombreux opérateurs de transport publics et privés. Le second développe un système nommé Swiss Fun Pass, qui ambitionne d’offrir à ses clients une vaste palette de prestations de mobilité et de loisirs à des prix les plus compétitifs possibles.
Deux partenaires importants
La société MaaS Global est née en Finlande, où elle a développé une application, Whim, qui, d’un simple clic, donne accès aux transports publics, taxis, vélos, scooters et trottinettes électriques, ainsi qu’au partage des voitures. Malgré d’inévitables frictions lors de la phase de démarrage, notamment dues à l’obligation faite aux opérateurs d’échanger leurs données, le système est en place. Il s’est étendu au-delà des frontières finlandaises: outre Helsinki et Turku, l’application Whim est disponible à Anvers, Vienne, Birmingham, Tokyo et, depuis le 21 septembre, en Suisse.
«Ce que nous proposons, ce sont des packages de multimodalité», résume Jean-Michel Henchoz, responsable du marché suisse de
MaaS Global. L’arrivée de l’application Whim n’aura été possible que grâce à la conclusion de partenariats. Un premier a été conclu avec les Transports publics fribourgeois (TPF), l’un des opérateurs les plus innovants de la branche, qui assurent la vente des titres de transport. Grâce à cet accord, Whim a accès à la plateforme informatique Nova, dont le but est de permettre de se déplacer dans tout le pays avec un seul ticket.
Un second partenaire est monté à bord: le groupe Vaudoise, dont l’intérêt pour ce projet découle de sa stratégie de durabilité. «C’est pour nous l’occasion de placer un pion dans la mobilité de demain»,
«Nous aimerions casser l’hégémonie des CFF, de Car Postal et de l’Alliance SwissPass» CHRISTOPHE GODEL, FONDATEUR DE SWISS FUN MOBILITY
confie le responsable de la communication institutionnelle, Patrick Matthey. Cette alliance vise aussi, à terme, à permettre à l’assureur vaudois de proposer à sa clientèle des produits d’assurance «en adéquation avec les besoins futurs en termes de mobilité».
Se démarquer des autres applications
Contrairement aux autres pays, l’application Whim ne se limite pas à une ville mais a l’ambition de couvrir l’ensemble du territoire helvétique. C’est dû à la structure très intégrée des transports publics en Suisse. Pour la première phase, six cantons sont visés: Berne, Fribourg, Neuchâtel, Soleure, Valais et
Vaud. L’offre englobe pour l’instant les transports publics qui couvrent ces cantons ainsi que les trottinettes électriques, principalement disponibles dans plusieurs villes alémaniques. A terme, l’idée est de pouvoir intégrer les compagnies de taxis, comme en Finlande. «Il y a de belles perspectives en Suisse», assure Jean-Michel Henchoz, qui relève cependant que «l’émergence des services de mobilité digitale est un chemin long et difficile».
Pour réussir, Whim devra se démarquer des autres applications qui permettent déjà d’acheter de manière simple des prestations de transport, comme celle des CFF ou Fairtiq, liées au SwissPass, lequel donne déjà accès aux véhicules de
Mobility Car Sharing et aux vélos de PubliBike.
Un modèle de financement qui a été revu
Le projet de Christophe Godel est d’une nature différente. Fondateur de Swiss Fun Mobility, il développe une offre qui porte le nom de Swiss Fun Pass, qui s’inspire du Swiss Magic Pass pour les domaines skiables. «L’idée consiste à regrouper en un seul abonnement global tous ceux qui existent actuellement, tout en y incluant les trains de montagne et les remontées mécaniques», résume-t-il. Il constate que l’abonnement général ne couvre pas totalement ces prestations. Il s’agirait aussi d’inclure d’autres offres touristiques.
La première version du projet de Christophe Godel reposait sur un nouveau mode de financement de la mobilité, en l’occurrence une hausse de la TVA et de l’impôt sur les huiles minérales. Cela ne paraissait pas réaliste. «Nous avons alors revu notre modèle économique et repositionné notre offre, sans TVA ni taxe sur les carburants», confie-t-il. Ce modèle s’appuie sur les recettes de la billetterie, en particulier la vente d’abonnements annuels et des suppléments prélevés auprès d’une clientèle «exigeante» prête à payer davantage pour des offres premium. Il assure avoir le soutien de compagnies de transport régionales, insatisfaites du mécanisme de redistribution des recettes enregistrées via l’abonnement général et le SwissPass.
Il est trop tôt pour dire si ces nouvelles offres de mobilité trouveront leur place sur le marché suisse. Celui-ci bouge: de nouveaux types d’abonnement à l’essai sont en préparation. Elles poursuivent cependant un but commun: «Nous aimerions casser l’hégémonie des CFF, de Car Postal et de l’Alliance Swiss Pass», glisse Christophe Godel.
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