Le Temps

Un géant, un toutpetit et des nains

- ALEXANDRE DEMIDOFF, ANOUCH SEYDTAGHIA, MATHILDE FARINE t @alexandred­mdff t @MathildeFa­rine t @Anouch

Sierre, mercredi, 16h. Ma visite à la Fondation Rilke (lire LT de vendredi dernier), c’était par snobisme? Non. Par fétichisme? Allons, allons. Par affection? Disons ainsi. Une simple halte à Sierre, avant de reprendre, à vélo, les chemins tempétueux du Rhône. Et là, sur les traces de l’écrivain des Cahiers de Malte Laurids Brigge, en romantique, je m’arrête devant la photograph­ie d’une danseuse. C’est son crépuscule farouche qui m’appelle. Le noir et blanc d’une irréductib­le. Elle s’appelait Wera Ouckama Knoop, elle était ballerine à Munich, elle est morte à 19 ans d’une leucémie. Rainer Maria Rilke, qui connaissai­t sa mère, l’avait rencontrée quand elle était enfant. Quand il apprend sa disparitio­n, il est bouleversé. Pour elle, au nom de cette infante trop vite emportée, il écrira Sonnets à Orphée. Plutôt que de réenfourch­er mon destrier mécanique, je me glisse dans un cortège, une dizaine de pèlerins en anorak venus écouter l’oracle rilkéen. Il pleut, les parapluies poussent comme des champignon­s et la forêt s’échancre, amadouée par nos torches. Brigitte Duvillard, la directrice de la Fondation, en cicérone, lit des lettres de Rilke. Dans l’une, il déplore que son ami, le sculpteur Auguste Rodin, se soit vanté d’appréhende­r la nature comme un chasseur. Il revendique, lui, la contemplat­ion, cet art de faire corps avec la matière du monde…

*** Rarogne, jeudi, 11h. De loin, c’est une petite tache noire dans un pré. Notre attention est attirée par cette boule de poils, par terre, à côté d’une vache. Ce veau semble minuscule. Je m’approche lentement pour ne pas provoquer sa mère, qui m’observe d’un oeil noir. C’est bien un bébé. Depuis combien de temps est-il né? «Toute juste trente minutes», me répond l’agriculteu­r. Au sol, le petit veau tremble, habitué pendant de longs mois à la chaleur de sa mère. Pour lui, l’adaptation est brutale, avec ce vent qui souffle fort dans la plaine du Rhône. Un si joli moment… Le soir, au restaurant, j’observe avec circonspec­tion le menu. Non, je ne mangerai pas de veau… Mais de là à devenir végétarien – mon but depuis des années –, non, je ne suis pas certain de franchir encore le pas…

***

Viège, jeudi, 14h30. Des constructi­ons flambant neuves. D’autres commencent à sortir de terre. De nouveaux bâtiments pour Lonza, dont l’expansion semble illimitée. Encore de nouvelles constructi­ons pour absorber, là aussi, l’afflux d’employés du groupe chimique. Le tour guidé qu’a proposé René Imoberdorf, ancien président de la commune de Viège, nous en met évidemment plein la vue. Mais dans ce ballet de grues, pelles mécaniques et ouvriers, c’est un détail peut-être un peu insignifia­nt qui attire notre attention: qu’est-ce que c’est que tous ces nains de jardin à chaque giratoire? Et ces nains géants (oui, encore plus bizarre) à l’entrée de la ville? L’ancien édile éclate de rire. «Viège est la ville des nains de jardin!» Et cela se confirme, à de nombreux coins de rue. La question du pourquoi, elle, restera sans réponse…

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RÉALISÉ AVEC L’AIDE DU TCS. Hashtag du tour de Suisse: #LeTempsAVé­lo

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