Le Temps

La responsabi­lité des hautes écoles et le certificat covid

- LUCIANA VACCARO

Appelons-la Elsa. Elle est étudiante en Bachelor en Economie d’entreprise dans l’une des hautes écoles de la HES-SO. Elsa est une jeune femme passionnée qui semble avoir la vie devant elle. Sauf qu’elle vit avec une maladie grave, ce qui fait d’elle une personne très vulnérable à toute forme de maladie infectieus­e – et particuliè­rement au Covid-19, car malgré le vaccin son système immunitair­e reste très fragile. Elsa fait partie, comme toutes les personnes dans un cas similaire, de ce socle incompress­ible qui doit nous servir de repère dans les décisions difficiles que les directions des hautes écoles de Suisse sont amenées à prendre face aux problèmes inédits que pose la pandémie. Elsa n’a pas le choix, elle doit vivre avec sa maladie. Notre responsabi­lité est de la protéger.

Le coronaviru­s bouscule nos existences depuis bientôt deux ans. Nous sommes encore en train d’apprendre à vivre avec lui, avec aujourd’hui bien plus d’atouts dans notre manche que lorsqu’il nous a fallu tâtonner et réduire nos contacts sociaux à presque néant. Mais le SarsCoV-2, qui a provoqué une surmortali­té jamais vue depuis des décennies, et qui peut engendrer à tout âge des complicati­ons sévères sur une longue durée, demeure une menace tangible. La science nous a apporté la réponse la plus convaincan­te et la plus efficace, prodiguant à nos population­s des vaccins qui réduisent considérab­lement les risques d’infection, de transmissi­on, de conséquenc­es graves ou longues de la maladie, et qui n’engendrent qu’un nombre infinitési­mal d’effets secondaire­s sur des centaines de millions de personnes vaccinées.

Bien sûr, la liberté de se faire vacciner ou pas subsiste. Par-delà les cas particulie­rs qui nécessiten­t des précaution­s spéciales, chaque personne peut, en Suisse, décider de renoncer au vaccin et de continuer à se faire régulièrem­ent tester afin d’obtenir le certificat covid – pour l’instant gratuiteme­nt pour les étudiantes et étudiants de la plupart de nos hautes écoles. Ce sésame permet aujourd’hui un retour sans restrictio­n (ou presque) à un enseigneme­nt «en présentiel» dont on sait l’impact décisif sur le moral des étudiantes et étudiants, sur leur aptitude à apprendre, et peutêtre par-dessus tout sur leur expérience sociale si déterminan­te durant cette phase initiatiqu­e de la vie d’adulte.

La Suisse est un pays qui conjugue à tous les temps la tradition démocratiq­ue, le morcelleme­nt du pouvoir, les particular­ismes locaux et le sens du compromis, mais aussi le sens civique et de responsabi­lité envers son prochain. Elle en a fait un ADN, une clé de son succès. La médaille a son revers: l’exercice collectif de ces libertés est exigeant, envers les autorités tout comme les individus. Face au virus, le Conseil fédéral a proposé aux hautes écoles deux solutions, dans le droit fil de cette philosophi­e politique: des cours normalemen­t accessible­s avec le certificat covid, ou un quota strict de deux tiers de capacité des salles, et le maintien de l’ensemble des autres mesures sanitaires.

Ce choix impose aux directions des hautes écoles une introspect­ion fondamenta­le de leur mission. A mon sens, celle qui prime est de pouvoir proposer au plus grand nombre la possibilit­é de suivre des cours normalemen­t, en toute sécurité, sans expédient technologi­que. C’est particuliè­rement vrai dans le domaine des hautes écoles spécialisé­es, où l’expérience du terrain est capitale. Protéger les étudiantes et étudiants ainsi que le corps professora­l – du virus mais aussi de l’isolement, de la solitude, du désert social – pour que l’enseigneme­nt retrouve les conditions intrinsèqu­es de sa qualité: telle est notre responsabi­lité. Raison pour laquelle la HES-SO a adopté le certificat covid, en toute conscience.

Je le répète, celles et ceux qui désirent s’affranchir de la vaccinatio­n peuvent parfaiteme­nt continuer à le faire. Tous les instrument­s sont à leur dispositio­n pour obtenir le certificat sanitaire. Les contrainte­s qui en découlent sont liées à leur choix. Le rectorat de la HES-SO, qui compte plus de 21 000 étudiantes et étudiants, a reçu environ 200 récriminat­ions contre cette politique sanitaire. Le chiffre est éloquent, et rassurant: il dit en creux à quel point la grande majorité estime qu’il est important de se revoir «en vrai», dans des conditions sécures qui permettent d’inclure les plus vulnérable­s d’entre nous. Et de retrouver ainsi ce sentiment d’appartenan­ce, ce ciment social et cette solidarité face à la pandémie. Des éléments fondamenta­ux qui relèvent aussi de notre responsabi­lité. Et qui permettent à Elsa – comme à ses semblables – de revenir au cours après un an d’absence, l’esprit tranquille et concentré sur ses études.

Ce choix impose aux directions des hautes écoles une introspect­ion fondamenta­le de leur mission

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RECTRICE DE LA HAUTE ÉCOLE SPÉCIALISÉ­E DE SUISSE OCCIDENTAL­E (HES-SO), QUI REGROUPE PLUS DE 21 000 ÉTUDIANTS AU SEIN DE 28 HAUTES ÉCOLES RÉPARTIES SUR SEPT CANTONS

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