La responsabilité des hautes écoles et le certificat covid
Appelons-la Elsa. Elle est étudiante en Bachelor en Economie d’entreprise dans l’une des hautes écoles de la HES-SO. Elsa est une jeune femme passionnée qui semble avoir la vie devant elle. Sauf qu’elle vit avec une maladie grave, ce qui fait d’elle une personne très vulnérable à toute forme de maladie infectieuse – et particulièrement au Covid-19, car malgré le vaccin son système immunitaire reste très fragile. Elsa fait partie, comme toutes les personnes dans un cas similaire, de ce socle incompressible qui doit nous servir de repère dans les décisions difficiles que les directions des hautes écoles de Suisse sont amenées à prendre face aux problèmes inédits que pose la pandémie. Elsa n’a pas le choix, elle doit vivre avec sa maladie. Notre responsabilité est de la protéger.
Le coronavirus bouscule nos existences depuis bientôt deux ans. Nous sommes encore en train d’apprendre à vivre avec lui, avec aujourd’hui bien plus d’atouts dans notre manche que lorsqu’il nous a fallu tâtonner et réduire nos contacts sociaux à presque néant. Mais le SarsCoV-2, qui a provoqué une surmortalité jamais vue depuis des décennies, et qui peut engendrer à tout âge des complications sévères sur une longue durée, demeure une menace tangible. La science nous a apporté la réponse la plus convaincante et la plus efficace, prodiguant à nos populations des vaccins qui réduisent considérablement les risques d’infection, de transmission, de conséquences graves ou longues de la maladie, et qui n’engendrent qu’un nombre infinitésimal d’effets secondaires sur des centaines de millions de personnes vaccinées.
Bien sûr, la liberté de se faire vacciner ou pas subsiste. Par-delà les cas particuliers qui nécessitent des précautions spéciales, chaque personne peut, en Suisse, décider de renoncer au vaccin et de continuer à se faire régulièrement tester afin d’obtenir le certificat covid – pour l’instant gratuitement pour les étudiantes et étudiants de la plupart de nos hautes écoles. Ce sésame permet aujourd’hui un retour sans restriction (ou presque) à un enseignement «en présentiel» dont on sait l’impact décisif sur le moral des étudiantes et étudiants, sur leur aptitude à apprendre, et peutêtre par-dessus tout sur leur expérience sociale si déterminante durant cette phase initiatique de la vie d’adulte.
La Suisse est un pays qui conjugue à tous les temps la tradition démocratique, le morcellement du pouvoir, les particularismes locaux et le sens du compromis, mais aussi le sens civique et de responsabilité envers son prochain. Elle en a fait un ADN, une clé de son succès. La médaille a son revers: l’exercice collectif de ces libertés est exigeant, envers les autorités tout comme les individus. Face au virus, le Conseil fédéral a proposé aux hautes écoles deux solutions, dans le droit fil de cette philosophie politique: des cours normalement accessibles avec le certificat covid, ou un quota strict de deux tiers de capacité des salles, et le maintien de l’ensemble des autres mesures sanitaires.
Ce choix impose aux directions des hautes écoles une introspection fondamentale de leur mission. A mon sens, celle qui prime est de pouvoir proposer au plus grand nombre la possibilité de suivre des cours normalement, en toute sécurité, sans expédient technologique. C’est particulièrement vrai dans le domaine des hautes écoles spécialisées, où l’expérience du terrain est capitale. Protéger les étudiantes et étudiants ainsi que le corps professoral – du virus mais aussi de l’isolement, de la solitude, du désert social – pour que l’enseignement retrouve les conditions intrinsèques de sa qualité: telle est notre responsabilité. Raison pour laquelle la HES-SO a adopté le certificat covid, en toute conscience.
Je le répète, celles et ceux qui désirent s’affranchir de la vaccination peuvent parfaitement continuer à le faire. Tous les instruments sont à leur disposition pour obtenir le certificat sanitaire. Les contraintes qui en découlent sont liées à leur choix. Le rectorat de la HES-SO, qui compte plus de 21 000 étudiantes et étudiants, a reçu environ 200 récriminations contre cette politique sanitaire. Le chiffre est éloquent, et rassurant: il dit en creux à quel point la grande majorité estime qu’il est important de se revoir «en vrai», dans des conditions sécures qui permettent d’inclure les plus vulnérables d’entre nous. Et de retrouver ainsi ce sentiment d’appartenance, ce ciment social et cette solidarité face à la pandémie. Des éléments fondamentaux qui relèvent aussi de notre responsabilité. Et qui permettent à Elsa – comme à ses semblables – de revenir au cours après un an d’absence, l’esprit tranquille et concentré sur ses études.
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Ce choix impose aux directions des hautes écoles une introspection fondamentale de leur mission