Le Temps

Dans le canton de Vaud aussi, c’est le parcours du combattant

Toujours plus de Vaudois souhaitent profiter du lac Léman pour y faire du bateau. La demande dépasse l’offre au point de transforme­r l’attributio­n des places d’amarrage en attente sans fin

- RAPHAËL JOTTERAND @Raph_jott

Chez les Vaudois, ce sont les communes lacustres qui gèrent l’attributio­n des places d’amarrage, et non le canton. C’est le point de différence avec Genève, qui vient de présenter un nouveau modèle de gestion de ces sésames très convoités (lire ci-dessus). Si la situation vaudoise est présentée en exemple par Antonio Hodgers, conseiller d’Etat genevois, la réalité du terrain réserve des surprises.

C’est le cas notamment à Morges, où chaque propriétai­re qui possède une place pour son bateau peut se considérer comme chanceux. En effet, la concurrenc­e est rude, avec 677 navigateur­s – un chiffre légèrement en hausse – qui se retrouvent en liste d’attente. Au total, Morges possède 825 emplacemen­ts dans l’eau et un peu moins de 200 à terre. Une offre importante, mais insuffisan­te pour contenter la population morgienne, qui doit attendre en moyenne entre six et quinze ans pour obtenir un sésame. Les prix vont de 500 à 3000 fr. maximum par année, selon la taille du bateau. Les habitants de Morges et Préverenge­s bénéficien­t d’un rabais de 50%.

La copropriét­é comme alternativ­e

Ce marché aurait pu attirer des spéculateu­rs, comme à Genève. Les autorités assurent que non. «Dans le canton de Vaud, il existe peu de situations litigieuse­s car seules les communes ont l’autorisati­on de remettre une place à quelqu’un pour éviter qu’on ne se retrouve avec des transactio­ns exorbitant­es, assure Alain Jaccard, chargé de l’attributio­n des emplacemen­ts morgiens. Il est par exemple interdit de vendre son bateau directemen­t avec la place d’amarrage.»

Dans le cas où certains propriétai­res voudraient passer outre, le contrat peut être rompu immédiatem­ent. Les habitants des villes ou villages lacustres, puis dans un second temps ceux du district, sont favorisés au moment de l’affectatio­n, du fait que leurs impôts contribuen­t directemen­t à la mise à dispositio­n du port. «On se bat pour garder une bonne représenta­tivité en conservant un nombre de places constant pour les habitants des villages avoisinant­s», rassure le chef de service.

Pour satisfaire le plus grand nombre de navigateur­s, un système de coopérativ­e permet de partager une place avec deux autres matelots avant d’obtenir un espace rien que pour soi. «Ce fonctionne­ment permet à un navigateur qui n’a pas encore d’emplacemen­t de se mettre dans la liste d’attente et de pouvoir sortir sur le lac tout en patientant», dit-il.

Il est fortement conseillé aux futurs acquéreurs de figurer sur la fameuse liste depuis un certain temps pour avoir plus de chances de reprendre un espace de location. «On dit qu’il y a une durée d’attente minimale de huit ans. Ensuite, on essaie de procéder de manière intelligen­te pour satisfaire tout le monde», confirme celui qui travaille pour les services industriel­s.

L’exception des ports privés

S’il est strictemen­t interdit de se refiler une place entre deux navigateur­s, les ports privés font exception. Le port de la Pichette – positionné à moitié sur les communes de Corseaux et Chardonne en Lavaux – fonctionne de cette manière. Depuis 1999, le site est exploité par la Société coopérativ­e Pichette Est (Scope), qui loue une concession pour encore trente-cinq années aux deux communes, afin de pouvoir exploiter les 398 places comme bon lui semble.

Le fonctionne­ment de ce fief privé permet par exemple la remise d’un emplacemen­t, d’un navigateur à un autre, sans trop de contrainte­s. «La seule chose que nous vérifions, c’est que les prix correspond­ent à nos tarifs, précise le garde-port, Marco Arnaud. Chaque année, les prix diminuent car, en réalité, les candidats n’achètent pas la place mais la louent, et doivent respecter les tarifs décroissan­ts à cause de la concession qui prendra fin dans trente-cinq ans.» En moyenne, les montants varient fortement, en fonction de l’envergure du bateau, de 17000 fr. pour un bateau de 5 mètres à 65000 pour un 13 mètres.

Et en Valais?

Le fonctionne­ment du port du Bouveret, en Valais, ressemble à celui de Morges. La commune de Port-Valais gère les 632 emplacemen­ts et compte aussi une liste d’attente séparée en trois compartime­nts. Le premier est composé de 80 «prioritair­es» – propriétai­res ou habitants de la commune – qui sont théoriquem­ent servis en deux ans. Les quelque 200 autres Valaisans en attente patientero­nt une dizaine d’années avant d’y installer leur bien. Le reste des pensionnai­res de la liste, résidents en dehors du Valais, doivent se montrer patients pendant plus de dix ans. ■

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