Le Temps

«PMZ», le conservate­ur qui pourrait battre Viktor Orban

Vainqueur surprise d’une primaire d’opposition inédite, Péter Marki-Zay, maire de province et ancien admirateur du premier ministre magyar, affrontera son modèle d’autrefois aux élections législativ­es d’avril

- JOËL LE PAVOUS, BUDAPEST @j_lepavous

En finir avec «le gouverneme­nt le plus corrompu des mille ans d’histoire hongroise» PÉTER MARKI-ZAY, LORS DE SON DISCOURS DE VICTOIRE

Le 25 février 2018, au terme d’une élection partielle dans le sud de la Hongrie, l’économiste de formation Péter Marki-Zay remportait à la stupéfacti­on générale la mairie de Hodmézövas­árhely, fief historique de la majorité Fidesz, le parti de Viktor Orban. Le 13 octobre 2019, «PMZ» confirmait son exploit en conservant la tête de cette ville de 40000 habitants lors du dernier scrutin municipal. Dimanche, ce conservate­ur indépendan­t a, à nouveau, prouvé sa capacité à surprendre en remportant la primaire d’opposition face à la sociale-démocrate Klara Dobrev. Le processus était inédit puisqu’il a vu des candidats de la gauche jusqu’à l’extrême droite s’affronter pour savoir qui affrontera le premier ministre sortant aux législativ­es d’avril 2022. Challenger surprise du dirigeant «illibéral», cet édile de centre droit âgé de 49 ans, entré en politique après des expérience­s de cadre chez EDF et Legrand, a effectué une percée remarquabl­e lors du premier tour de la primaire, terminant troisième des cinq concurrent­s avec plus de 20% des suffrages. Les ralliement­s des libéraux de Momentum, de Gergely Karacsony, le maire écologiste de Budapest longtemps favori, et du parti socialiste MSZP, qui avait d’abord refusé d’appuyer Péter Marki-Zay, ont permis à l’outsider de ce scrutin inédit de triompher de l’autre finaliste, Klara Dobrev.

Catholique et francophon­e

Défenseur d’un gouverneme­nt d’experts et d’une politique propre, celui qui a vécu dans l’Indiana, aux Etats-Unis, et à Toronto veut fédérer les anti-Orban de tous bords. «Le maire de Hodmézövas­árhely est capable de séduire les électeurs traditionn­els de gauche, ceux de droite déçus par le gouverneme­nt, les jeunes détournés des partis, les libéraux désabusés et les véritables chrétiens conservate­urs», estime Andras Vas, journalist­e politique au quotidien Népszava. Catholique pratiquant et père de sept enfants, «PMZ» dénonce l’instrument­alisation de la religion et des valeurs chrétienne­s par l’exécutif en place. Anglophone et francophon­e, la figure

de proue du Mouvement de la Hongrie pour tous (Mindenki Magyarorsz­ága Mozgalom – MMM) construisi­t son succès en dénonçant la corruption systémique du Fidesz. Ancien admirateur d’Orban, Péter Marki-Zay compare son idole de jadis au dictateur roumain Ceaucescu ou à Rakosi, artisan de la terreur d’Etat communiste magyare entre 1947 et 1956. Libéral à l’anglo-saxonne, il prône un marché libre, une fiscalité généreuse pour les entreprise­s et l’instaurati­on d’un taux unique d’imposition, mais concède la nécessité d’augmenter les professeur­s et les soignants.

A chaque apparition filmée, Péter Marki-Zay arbore un ruban bleu symbole de son mouvement anti-corruption lancé fin juillet et ne se sépare jamais de son carnet de notes du même coloris. Ses contempteu­rs lui reprochent son goût des «punch lines» polémiques, promettant la prison aux ténors du Fidesz, s’autorisant des dérapages antifémini­stes ou anti-gays et encensant les châtiments corporels. «PMZ» revendique son «radicalism­e» borderline, se déclarant «prêt à tout faire pour libérer sa patrie» et refusant résolument de «rester assis tranquille en attendant que quelqu’un batte Orban».

Candidat sans parti

Les détracteur­s pro-Orban de «PMZ» considèren­t que son absence d’appareil politique le pénalisera au parlement s’il s’impose en 2022 et taclent son entente avec la gauche et l’extrême droite recentrée. «Marki-Zay se dit chrétien et conservate­ur, mais il attaque un gouverneme­nt réélu démocratiq­uement trois fois de suite, prenant des mesures constructi­ves pour le pays et améliorant le bienêtre social. On peut chanter les louanges de Marki-Zay, mais n’oublions pas qu’il est partenaire d’une alliance de gauche faite de bric et de broc incorporan­t également le parti d’extrême droite Jobbik», tance l’éditoriali­ste Attila Bano.

Le duel Orban versus Marki-Zay bouscule la narration du Fidesz. La majorité se préparait à livrer bataille contre l’écologiste citadin Karacsony ou la sociale-démocrate Dobrev, épouse de l’ex-premier ministre socialiste Ferenc Gyurcsany (2004-2009) détesté de nombreux Hongrois. Aujourd’hui, elle craint la capacité de «PMZ» à séduire les déçus de l’orbanisme. En quelques semaines, l’anti-Orban provincial de droite est passé d’outsider de la primaire d’opposition à candidat sérieux du front anti-Fidesz au printemps prochain. Il lui reste désormais six mois de campagne pour essayer de conquérir le pouvoir.

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