«L’immunothérapie doit bénéficier à plus de patients»
Après plus de quinze ans passés aux Etats-Unis, le biologiste Mikaël Pittet a été nommé en septembre professeur au Département de pathologie et immunologie de l’Université de Genève. Ses travaux visent à mieux comprendre les facteurs favorisant l’efficacité des traitements contre le cancer
Mikaël Pittet est professeur à la Faculté de médecine de l’Unige, titulaire de la chaire Fondation Isrec en immunooncologie et membre de l’Institut Ludwig Lausanne.
Quand j’étais enfant je rêvais d’être…
… navigateur. Dès mon plus jeune âge, j’ai aimé naviguer sur le Léman avec mes parents et en Bretagne avec mon grandpère. Plus tard, j’ai hésité entre des études en droit ou en biologie. Je me suis finalement décidé après avoir effectué un stage à l’Institut Ludwig à Lausanne lorsque j’avais 16 ou 17 ans. Cela a été ma première approche du travail de recherche dans un laboratoire et m’a tellement fasciné que cela a certainement influencé la suite de ma carrière.
Ce qui est amusant, c’est que j’ai fait ma thèse dans ce même institut, et j’y suis à nouveau associé après avoir passé dixsept ans à Boston, où j’étais parti pour réaliser un postdoctorat sur une période censée durer initialement trois ans.
Finalement je suis devenu…
… chercheur dans le but de trouver de nouvelles façons de lutter contre le cancer.Je m’intéresse particulièrement au système immunitaire et à comment il peut être mobilisé pour reconnaître et éliminer les cellules tumorales. Aux Etats-Unis, j’ai eu la chance de travailler avec des personnes incroyables issues de différents domaines, ce qui a permis de créer une émulation très favorable à l’émergence de nouvelles idées.
Aujourd’hui, je retrouve cet aspect très multidisciplinaire au sein du Swiss Cancer Center Léman, qui regroupe les expertises et les ressources des universités et des hôpitaux de Genève et Lausanne, ainsi que l’EPFL, l’Institut Ludwig et la Fondation Isrec. Je suis convaincu que c’est ensemble, avec l’apport de différentes approches et sans s’arrêter sur les titres ou les affiliations, que l’on peut faire une réelle différence pour aider les patients.
Mon travail est d’actualité parce que…
… l’immunothérapie a récemment révolutionné la façon dont on traite le cancer, car elle peut être incroyablement efficace contre des stades avancés de la maladie. Les traitements actuels d’immunothérapie ont pour but de mobiliser un certain groupe de cellules immunitaires, appelées lymphocytes T. Une fois activés, ces lymphocytes peuvent alors attaquer et détruire les cellules tumorales. Notre région lémanique est à la pointe au niveau mondial pour le développement de ces traitements. Aujourd’hui, l’immunothérapie n’est bénéfique qu’à une fraction de patients, mais il existe d’autres cellules immunitaires qui pourraient devenir les cibles de traitements de prochaine génération. Mon laboratoire s’intéresse en particulier à un groupe de cellules appelées cellules myéloïdes. Ces cellules restent bien moins connues que les lymphocytes T, mais on commence à percer certains de leurs secrets.
Ces découvertes sur les cellules myéloïdes suggèrent de nouvelles stratégies thérapeutiques, qui pourraient être particulièrement utiles pour lutter contre les cancers chez des patients que l’on ne parvient pas à traiter avec l’immunothérapie existante.
Avec «Tête chercheuse», «Le Temps» donne la parole aux scientifiques de Suisse romande pour comprendre ce qui les occupe, les inspire, les fascine et les mobilise dans leurs recherches. Un rendez-vous à retrouver tous les premier et troisième mardis du mois.