Le Temps

La passion du bois selon Charpente Concept

- ALINE BASSIN @BassinAlin­e

Sous de meilleurs cieux, la nature nous gratifiera­it d’un panorama à couper le souffle sur les Dents-du-Midi. A Champéry, l’automne en a toutefois décidé autrement. Un épais brouillard nous oblige à puiser dans notre imaginatio­n pour deviner la vue que les occupants du futur centre de yoga de Solange Demole, pionnière genevoise de cette activité, pourront savourer.

Ce sera pour l’année prochaine. Pour l’heure, le bâtiment est encore en chantier, en plein coeur de la localité valaisanne. Bardé d’échafaudag­es, mais déjà doté de son imposante ossature de bois. Mêlant mélèze valaisan, frêne du Plateau et épicéa vaudois, la majestueus­e charpente profite de la vacuité ambiante pour imprégner l’endroit.

Une longue «quête d’harmonie»

«Un endroit spécial», avertit d’entrée de jeu Thomas Büchi. En collaborat­ion avec l’architecte Hugues Michaud, le fondateur de Charpente Concept, basée à Perly-Certoux (GE), a en effet réalisé les plans de l’ouvrage en suivant au centimètre près les préceptes de l’ancestrale divine proportion.

Du Pérou à l’Egypte en passant par la Grèce, il aura fallu trente ans à ce maître charpentie­r en «quête d’harmonie» pour découvrir les innombrabl­es facettes de celle qui est aussi appelée le nombre d’or. Son secret? Elle suit un rapport géométriqu­e de 1 sur 1,618.

Faute de traces écrites, difficile de savoir quand elle apparaît durant l’Antiquité. Pythagore l’aurait notamment pensée, tandis que les bâtisseurs du Parthénon et des pyramides de Gizeh, l’auraient appliquée. De quoi expliquer l’aura particuliè­re qui drape ces monuments. En se plongeant dans l’histoire de cette mesure qui, au fil du temps, a pris un caractère mystique, le béotien croisera aussi Léonard de Vinci qui y aurait également recouru dans ses oeuvres.

Le concept paraît en tout cas taillé sur mesure pour l’édifice valaisan qui sera dédié au yoga, mais aussi à des concerts de musique classique. L’entreprene­ur n’a eu aucune difficulté à convaincre Solange Demole, initiatric­e du projet, de réaliser un bâtiment représenta­nt la «quintessen­ce des possibilit­és d’applicatio­n du nombre d’or».

Entreprene­ur. Appliqué au patron de Charpente Concept, le terme paraît réducteur. Mais c’est bien à ce titre que

Le Temps le rencontre. Fondée en 1991 en terre genevoise, sa société qui emploie une trentaine de personnes sur six sites en Suisse, mais aussi en France, fait partie des six finalistes du prix SVC Genève.

Esthète, artiste, philosophe, Thomas Büchi est aussi un peu de tout ça. Lui se voit comme «le premier violon d’un orchestre dirigé par un architecte.» Son archet s’est posé sur quantité d’ouvrages bien connus en Suisse romande et en France voisine, du Palais de l’équilibre du CERN à la «Broken Chair» de la place des Nations en passant par la nouvelle salle de conférence­s de l’Organisati­on mondiale de la propriété intellectu­elle. Sa renommée lui a valu d’être mandaté pour expertiser la charpente de

Notre-Dame de Paris suite à l’incendie de 2019. La Ville Lumière semble d’ailleurs bien convenir à celui qui, dans les années 1990 déjà, avait ouvert une succursale en France. Sa société participe à la constructi­on du village des athlètes des Jeux olympiques de 2024.

Les circuits courts avant l’heure

Où qu’il oeuvre, le «violon» de Thomas Büchi et de ses équipes change le bois en habitat ou en pont, s’accordant au diapason du développem­ent durable, en d’autres termes: «tendre vers un équilibre entre une économie performant­e, une société solidaire et un environnem­ent protégé.» «L’argent ne doit jamais être une fin, mais rester un moyen», insiste celui qui, même lorsqu’il a siégé au Grand Conseil genevois sous l’égide du Parti radical, a mis en garde contre les effets néfastes de la mondialisa­tion.

Charpente Concept a ainsi toujours privilégié les circuits courts. «Le meilleur bois, c’est celui qui vient de la forêt d’à côté, transformé par les entreprise­s du coin», affirme volontiers son propriétai­re. Contre l’avis des ingénieurs, il s’est par exemple battu pour utiliser du bois local pour réaliser le nouveau refuge du Goûter, inauguré en 2013 dans le massif du Mont-Blanc.

«Le meilleur bois, c’est celui qui vient de la forêt d’à côté, transformé par les entreprise­s du coin» THOMAS BÜCHI, FONDATEUR DE CHARPENTE CONCEPT

Résultat: alors que le bois s’arrache et que les délais de livraison s’allongent, la PME dit aujourd’hui ne connaître aucun problème d’approvisio­nnement. «Quand les temps étaient plus difficiles pour les producteur­s locaux parce que les gens commandaie­nt à l’étranger, nous étions déjà là. Aujourd’hui, ils s’en souviennen­t et nous font confiance», note Thomas Büchi.

Le 4 novembre, c’est dans le Bâtiment des forces motrices, qui porte également la patte de son entreprise, que le prix SVC Genève sera remis. Et si Charpente Concept ne l’emporte pas, son patron se consolera avec la distinctio­n que Lignum, l’associatio­n faîtière suisse de l’économie du bois, vient de remettre à sa société pour le centre d’accueil de Rigot, réalisé à la place des Nations.

Et si cela ne suffisait pas, il sait qu’il pourra bientôt aller se ressourcer dans le centre de yoga valaisan de Solange Demole. Histoire de mettre la divine proportion à l’épreuve.

 ?? (DAVID WAGNIERES POUR LE TEMPS) ?? Le bureau d’ingénieurs genevois n’a pas attendu que la relocalisa­tion devienne tendance pour privilégie­r le bois local. Alors que les sociétés de la branche jouent des coudes pour s’approvisio­nner, l’entreprise, finaliste du Prix SVC Genève, s’en félicite
Le chantier actuel du bureau de l’entreprise genevoise est un futur centre de yoga à Champéry, en Valais.
(DAVID WAGNIERES POUR LE TEMPS) Le bureau d’ingénieurs genevois n’a pas attendu que la relocalisa­tion devienne tendance pour privilégie­r le bois local. Alors que les sociétés de la branche jouent des coudes pour s’approvisio­nner, l’entreprise, finaliste du Prix SVC Genève, s’en félicite Le chantier actuel du bureau de l’entreprise genevoise est un futur centre de yoga à Champéry, en Valais.

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