Embauche: il est temps que les compétences priment sur l’âge
Quelque 83% des employeurs en Suisse signalent des difficultés à recruter des candidats adéquats, selon une enquête réalisée par Manpower au début de l’été. Une pénurie qui nous montre l’urgence de considérer tous les profils et de ne pas se priver de certains talents pour de mauvaises raisons. Et parmi ces mauvaises raisons, on peut trouver l’âge, auquel on associe bien des stéréotypes.
Les premiers à en souffrir sont les 50 ans et plus. Plusieurs programmes d’aide concernent effectivement ces travailleurs que l’on nomme souvent à tort «seniors», renforçant le cliché. S’ils visent à aider cette tranche d’âge – et c’est évidemment positif qu’ils le fassent – c’est d’abord pour une bonne raison: un quart des chômeurs de plus de 50 ans sont concernés par le chômage de longue durée (plus d’un an), contre environ 10% seulement pour les 25-49 ans.
Subsiste un problème majeur: si ces chiffres sont une réalité, des idées reçues collent à la peau de ceux qui sont pour certains encore à quinze ans de leur retraite.
Des travailleurs qui se sont adaptés
Les principaux clichés? Que cette tranche d’âge ne serait plus à la page, notamment au niveau numérique, ou trop habituée à des manières de faire à l’ancienne en matière de management ou de processus. Des idées qui suggèrent que ces personnes sont en rupture avec le monde du travail actuel. C’est pourtant dans la majorité des cas le contraire: ces travailleurs ont suivi l’évolution des méthodes et des technologies dans leur organisation ou leur entreprise et s’y sont conformés, moyennant formations si besoin. Preuve de cette adaptation souvent réussie: de nombreux cadres et cadres supérieurs suisses ont précisément cet âge. Certains employeurs craignent aussi que ces profils aient des prétentions salariales trop élevées ou soient surqualifiés pour l’emploi qu’ils visent. Mais l’expérience a au contraire conduit beaucoup d’entre eux à revoir leurs priorités, qui ne sont plus nécessairement d’avoir un salaire élevé ou un poste à responsabilité.
Se focaliser sur ces craintes non vérifiées, c’est aussi oublier ce qu’un ou une quinquagénaire ayant une longue carrière peut apporter à une entreprise. La Fondation Qualife, qui agit en faveur de la qualification et de l’emploi à Genève, se bat notamment contre ces stéréotypes et a listé les bonnes raisons de recruter ces profils: leur réseau, leur force de proposition et leur capacité à être rapidement opérationnels, entre autres. De grands atouts, en temps de pénurie.
Les jeunes aussi victimes de clichés
S’ils en souffrent moins directement, les jeunes ne sont pas non plus épargnés par les clichés. Ils sont souvent vus comme une population à part, plus individualiste et moins respectueuse de la hiérarchie. Or des études dévoilent que les aspirations des millennials au travail ne sont pas si différentes de celles des autres générations. Le Young Professional Attraction Index d’Academic Work montre par exemple que les jeunes professionnels romands favorisent des critères plutôt traditionnels comme un environnement de travail agréable et des collègues sympathiques, ou encore un bon salaire.
Pour les travailleurs très jeunes aussi bien que pour les plus âgés, il faudrait donc en finir avec les stéréotypes âgistes pour se focaliser uniquement sur les compétences. Pour simplifier cette démarche, les candidats doivent avoir conscience des clichés véhiculés par leur âge et s’assurer à travers leur CV notamment de ne pas contribuer à les renforcer. Mais les entreprises doivent aussi faire l’effort de ne pas s’arrêter à une année de naissance et recevoir en entretien les candidats intéressants pour s’en faire une idée plus juste.
La prise de conscience de ces biais est une première étape, qui permet de se demander systématiquement si l’âge a joué un rôle qu’il n’aurait pas dû avoir au moment d’écarter un CV. Mais pour éviter un tri biaisé, on pourrait aussi, comme pour éviter d’autres discriminations, demander des CV sans date de naissance ou sans photo, ou même recourir à des algorithmes pour une présélection. Pour autant bien sûr que ces derniers ne soient pas, eux aussi, biaisés.
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