La triste réalité de la transition verte
Alors que la pandémie semble s’éloigner, certains observateurs comparent la période actuelle avec celle des années folles.
C’est effectivement dans les années 1920 que consumérisme et culture de masse ont pris forme, dynamisés par des innovations telles que l’automobile, le cinéma, la radio et les appareils électriques. Aussi, il est tentant de se demander si l’histoire va se répéter et si la transformation écologique sera le moteur du changement. Il est probable que la stagnation séculaire actuelle sera difficile à surmonter car rien n’indique à ce stade que la transition mondiale vers une société sans carbone se traduira par une augmentation de la productivité et du PIB.
Il est connu des économistes et des non-économistes que la productivité est un déterminant à long terme du rendement du capital et donc des taux d’intérêt. En d’autres termes, la baisse des taux d’intérêt réels a permis à des projets et des entreprises faiblement productives d’être rentables, ce qui a provoqué un ralentissement de la productivité.
Les récentes catastrophes naturelles ont servi de signal d’alarme aux gouvernements et au secteur privé, qui ont décidé d’accélérer la transition vers un monde sans carbone et d’y investir massivement. Mais rien n’indique que la croissance moyenne et la productivité retrouveront leur niveau d’avant la pandémie. La prévalence des taux d’intérêt réels négatifs indique que ces investissements ont peu de chances d’améliorer la productivité et donc la croissance économique, du moins à court et moyen terme.
L’espoir pourrait venir d’une percée technologique mais seules quelques innovations concrètes sont actuellement en cours d’étude.
La triste réalité de la transition verte réside dans le fait qu’une grande partie de l’argent investi finance des projets qui ont peu de capacité à changer la face du monde.
La sortie du nucléaire, pour des raisons idéologiques, est un choix politique risqué pour la planète. A chaque fois, il s’est traduit par un recours accru à des sources d’énergie plus nocives, comme le gaz naturel ou le charbon. En Allemagne, les émissions de CO2 ont augmenté de 35 millions de tonnes par an suite aux fermetures des centrales nucléaires, en Belgique, la décision d’en fermer les deux tiers entre 2022 et 2025 multipliera par 74 les émissions de CO2 par kWh. Les énergies renouvelables ne sont pas en mesure de remplacer les sources d’énergie conventionnelles aujourd’hui. Il faut distinguer les énergies renouvelables variables (énergies éolienne et solaire) des contrôlables (hydroélectricité et biomasse). La première ne fournit pas un approvisionnement régulier en électricité. La seconde doit faire partie intégrante du bouquet énergétique.
Il existe quelques technologies prometteuses, mais elles sont au stade de prototype et nécessiteront entre cinq et dix ans avant d’atteindre des applications industrielles à grande échelle. La Chine a investi des milliards de dollars pour construire un réacteur nucléaire alimenté au thorium d’ici à 2030. Faiblement radioactif, le thorium est quatre fois plus abondant que l’uranium, disponible sur toute la planète et produit beaucoup moins de déchets tout en étant plus sûr. Certains pays européens entament des recherches sur le thorium, mais avec des budgets plus modestes.
De nombreux pays travaillent sur l’hydrogène vert pour remplacer les hydrocarbures fossiles. Solution de stockage d’énergie basée sur les énergies renouvelables, elle présente deux écueils: un faible taux de rendement et un coût élevé. Cela explique pourquoi la production mondiale d’hydrogène vert reste marginale – moins de 5% du total. Il faudra des années de recherche et d’investissement pour améliorer cette technologie.
Les énergies renouvelables variables sont peu utiles dans le mix énergétique. Mais l’amélioration technologique pourrait changer la donne dans les cinq à dix ans. De grands projets industriels cherchent à résoudre le problème de l’intermittence du vent comme celui de l’opérateur néerlandais de transport d’électricité TenneT en mer du Nord.
Le secteur privé ne pourra pas supporter seul le coût de la transition verte, un tel changement sera réalisé par une intervention politique, des investissements publics massifs et une planification économique centralisée. Les plans de relance adoptés pour sortir de la récession actuelle sont une première étape. Plus d’un tiers du plan de relance français est consacré à la transition énergétique. Aux Etats-Unis, plus de 8 milliards de dollars ont été alloués à la production d’hydrogène, dans le cadre du plan d’infrastructures.
Mais si nous voulons que la transition verte soit synonyme d’une plus forte croissance de la productivité et du PIB, nous devons d’abord vérifier que les ressources sont allouées de manière optimale. Ce n’est pas encore le cas.
■
L’espoir pourrait venir d’une percée technologique mais seules quelques innovations concrètes sont en cours d’étude