Pandora Papers: rétablissons les faits!
Les Pandora Papers font actuellement rage dans l’actualité. Ces papers, comme d’autres avant eux, sont très certainement le fruit d’un vol massif de données et sont donc le produit d’un crime. Le projecteur est néanmoins braqué ailleurs et notamment sur les avocats, lesquels n’ont pas nécessairement – c’est connu – une bonne image dans l’esprit du public, ni bonne presse non plus. Les amalgames et raccourcis, sinon les inexactitudes sur la profession d’avocat que l’on peut lire, ici ou là, dans le contexte des Pandora Papers vont largement au-delà de l’acceptable et exigent une mise au point.
L’écrasante et immense majorité des avocats qui ne font qu’accompagner leurs clients en justice ou par devant les administrations ne sont tout simplement pas concernés par les Pandora Papers. Pourtant ceux qui relaient ou commentent cette actualité mettent à mal, sans discernement aucun, l’honorabilité de toute la profession d’avocat et remettent en cause, sans discernement aucun, le secret professionnel de l’avocat. Les avocats dont il est question dans les Pandora Papers seraient, à croire ce qu’on lit, au-dessus des lois ou à tout le moins profiteraient des lacunes de celles-ci pour prêter la main ou simplement prodiguer des conseils à leurs clients qui auraient l’intention ou seraient en train de commettre des infractions pénales. Il n’y a rien de plus faux.
Le Code pénal s’applique (comme à tout un chacun) aux avocats dont il est question dans les Pandora Papers. L’avocat ou l’avocate qui crée, gère ou administre des sociétés suisses ou étrangères, qu’elles soient opérationnelles ou qu’il s’agisse de sociétés de domicile ou de trusts, qui organise leur dotation d’actifs, les achète ou les vend ou encore héberge ces sociétés ou trusts, se rend coupable de blanchiment d’argent s’il sait ou doit présumer qu’elles sont en lien avec une activité criminelle ou un délit fiscal qualifié. Une condamnation pour blanchiment d’argent aboutit à la radiation de l’avocat du registre des avocats et donc à la fin de sa carrière professionnelle.
Les avocats dont il est question dans les Pandora Papers sont par ailleurs soumis à d’innombrables règles de comportement et d’honorabilité résultant notamment de la loi fédérale sur les avocats (LLCA) et du serment qu’ils prêtent par devant les autorités. La violation de ces règles peut également entraîner la radiation du registre des avocats. Les avocats dont il est question dans les Pandora Papers sont en outre soumis en plein à la loi fédérale sur le blanchiment (LBA) comme tout autre intermédiaire financier. Il est tout simplement faux de dire qu’un avocat qui administre une société offshore n’est pas soumis à la LBA ou encore que ce même avocat n’a pas l’obligation de dénoncer son client au MROS à Berne, service spécialisé dans la lutte contre le blanchiment d’argent, en cas de soupçon fondé sur l’origine des fonds de son client ou sur l’arrière-plan économique d’une transaction à laquelle l’avocat prend part.
Il est également faux de dire que le lobby des avocats a empêché le parlement fédéral de voter en mars dernier une modification de la LBA visant à soumettre à cette loi une partie de l’activité de conseil de l’avocat qui n’est pas considérée comme de l’intermédiation financière et de faire en sorte que l’avocat-conseil doive dénoncer son client en cas de soupçon fondé. En effet, ce projet de modification de la LBA ne prévoyait pas cette obligation de dénonciation pour l’avocat-conseil. Si ce projet a été refusé par le parlement, c’est pour la simple et première raison qu’il était mal pensé, mal ficelé et n’allait absolument rien amener à la lutte contre le blanchiment ou la fraude fiscale. Ce projet de modification de la LBA portait par ailleurs un gros coup de canif au secret professionnel de l’avocat, qui couvre non seulement l’activité de représentation des parties en justice mais également celle de conseil.
Cet état des choses n’est pas une vision de l’esprit du lobby des avocats mais résulte d’une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, qui considère, à juste titre, le secret professionnel de l’avocat – et de l’avocat-conseil n’en déplaise à certains – comme un fondement de l’Etat de droit qui a pour but de protéger l’accès à la justice et aux administrations. Le secret professionnel de l’avocat est donc indispensable au bon fonctionnement de notre société. L’Etat de droit perdra de sa force à chaque fois qu’il sera mis à mal.
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Les avocats dont il est question dans les Pandora Papers sont soumis à d’innombrables règles de comportement et d’honorabilité