Réchauffement climatique et plan d’action urbain
A quelques levers de soleil de la COP26, qui ambitionne d'accélérer à l'échelle mondiale l'action contre la déferlante du réchauffement climatique, les scientifiques maintiennent, de manière à la fois modeste et surprenante, que leurs modèles météorologiques ne permettent pas de simuler ni de prévoir le lieu et la date exacts des futurs phénomènes climatiques extrêmes. C'est bien cet argument d'«incertitude» qu'évoquent les décideurs pour repousser des décisions à la fois conflictuelles et coûteuses.
Or, il est dorénavant certain qu'il y aura plus de canicules qui affaibliront le vivant avec des incendies à répétition, et plus de précipitations soudaines qui fragiliseront les sols. Nous verrons la raréfaction des terres cultivables, la fonte des glaces polaires, du permafrost et des glaciers. Nous verrons des réfugiés climatiques fuir par millions leurs latitudes inhospitalières.
L'intensité de ces phénomènes statistiquement certains variera selon les années et les régions. Mais ceux-ci risquent de transformer durant notre siècle des étendues importantes de la Terre, y compris nos contrées tempérées, en terrain hostile. Comment y réagir en temps utile?
Durant et suite à la Guerre des Trente Ans, le réputé graveur bâlois Matthäus Merian et son fils parcouraient l'Europe pour nous livrer plus de 2000 tableaux laissant apprécier la beauté des villes avec leurs places et leurs clochers au milieu des paysages naturels et cultivés. Une constante sautait alors à leur oeil artistique: les remparts avec leurs bastions, les ponts-levis et autres constructions défensives indispensables à la survie de leurs populations. Que de fortunes dépensées pour avantager les places fortes en leur capacité de résistance (ne pas se laisser conquérir) ou de résilience (restituer la vie après la conquête)! Il est du reste certain que les édiles d'antan n'ont pas agi dans la précipitation. Leur certitude du danger imminent, dosée de perspicacité et d'expérience, a donné les paysages urbains que nous admirons encore aujourd'hui. En revanche, les villes qui n'ont pas mis à leur profit les parenthèses de paix n'ont certainement pas su aligner la bonne ligne de défense.
L'anticipation des aléas climatiques appelle d'urgence de nouvelles formes de résistance-résilience du monde urbain. C'est le défi et la grande aventure de notre siècle. Il y aura des constats désagréables à prononcer et des interventions encore plus incommodes à programmer pour prévenir des perturbations de plus en plus fréquentes de notre quotidien. La question n'est donc pas de savoir si des mesures concrètes doivent être prises mais à quelle vitesse, sous quelle forme d'acceptabilité elles seront prononcées, par quels dispositifs juridiques elles seront opposables aux tiers, mais aussi quels moyens financiers, techniques et humains seront déployés pour les appliquer.
Il faut dresser dès maintenant un plan prospectif d'action, à la fois radical, méthodique et de longue haleine, pour doter nos villes de qualités d'habitabilité et les conduire à effectuer leur indispensable transition écologique. Sol, eau, ressources organiques et minérales, systèmes géologiques et géographiques, phénomènes météorologiques, dynamiques sociales ne pourront que faire partie d'un même projet vital. Plus concrètement, la nouvelle défense des villes exige la protection des corridors de biodiversité et des espaces agricoles; des circuits courts d'approvisionnement et de nourriture; la sortie des énergies fossiles; des réseaux coordonnés d'énergies renouvelables; des systèmes intelligents de récupérationréparation-recyclage; des couloirs de rafraîchissement contre les îlots de chaleur; des matériaux de construction biosourcés; des mobilités douces en faveur de la «ville des quinze minutes»; des lieux de solidarité et de partage. Autant de pierres angulaires pour les nouveaux bastions des villes.
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Doter nos villes de qualités d’habitabilité et les conduire à effectuer leur indispensable transition écologique