Tests covid: une baisse des prix qui interroge
Depuis que les tests rapides ne sont plus pris en charge par la Confédération, des rabais et des formules forfaitaires apparaissent çà et là. A-t-on surfacturé la collectivité?
La fin des tests rapides gratuits et l’avancée de la vaccination pourraient signifier la fin d’une poule aux oeufs d’or pour l’industrie de la santé. Le laboratoire pharmaceutique bâlois Roche, qui présentait mercredi ses résultats pour les neuf premiers mois de l’année, est un des exemples les plus éloquents des bénéficiaires des campagnes de dépistage. Rien que sur cette période, les ventes de tests covid s’élèvent à 3,5 milliards de francs à l’échelle mondiale.
Abonnements mensuels
Ce changement de politique a aussi entraîné l’apparition de disparités de tarif chez les prestataires suisses, chacun étant libre de fixer ses prix. Ces différences tarifaires posent la question de savoir si la Confédération n’a pas payé un montant trop important pendant des mois. «Comme pour tous les médicaments et moyens médicaux en Suisse, la Confédération n’a pas pour habitude de lutter contre l’industrie pharmaceutique, estime Léonore Porchet, conseillère nationale verte vaudoise et membre de la commission de la santé publique. Les tests ne sont qu’un exemple parmi d’autres du refus de l’Etat de se donner les moyens de contrôler les prix auxquels sont vendus les médicaments.»
En Suisse alémanique, le centre spécialisé Medica Care, présent notamment à Berne, propose des tests rapides à 11 francs. Un autre acteur, Corona-Testcenter, vend un abonnement mensuel de 168 francs pour 15 tests, soit également 11 francs le test. Des prix bien inférieurs aux 47 francs remboursés jusqu’au début du mois par la Confédération. Interrogés par le Tages-Anzeiger, les deux prestataires expliquent ce tarif par la masse de tests réalisés et la numérisation de la procédure.
Pour la Fédération romande des consommateurs (FRC), la baisse des prix des tests est une bonne nouvelle, mais elle soulève certaines limites. «A l’échelle d’une famille, l’achat de forfaits reste une somme importante à débourser juste pour s’assurer de pouvoir sortir, souligne Yannis Papadaniel, responsable santé pour la FRC. Avec ces tests moins chers, on répond à la question économique, mais la solution idéale serait d’avoir des tests PCR rapides et bon marché, ce qui assurerait le prix, la fiabilité et répondrait à l’argument de la santé publique.»
Mais les prix n’ont pas diminué partout et restent les mêmes dans la plupart des pharmacies. «Certaines d’entre elles ont mis en place des offres spéciales, par exemple cinq tests pour le prix de quatre, mais dans la plupart des cas, les prix restent les mêmes, et l’effort est mis sur la vaccination. Les tests ne sont pas au centre du modèle d’affaires des pharmacies, contrairement à certains prestataires qui sont arrivés sur le marché, souligne Nicole Demierre Rossier, porte-parole de la faîtière PharmaSuisse. C’est une prestation additionnelle, proposée en plus du travail quotidien, et qui a nécessité une logistique particulière, l’achat de matériel spécifique, l’engagement de personnel supplémentaire et la mise en place de logiciels de prise de rendez-vous.»
Ces investissements n’ont pas empêché le groupe Galenica, qui gère 367 pharmacies à travers le pays, dont les enseignes Amavita, Sun Store ou Coop Vitality, d’annoncer en août dernier des résultats record, portés par les ventes d’autotests, les services de dépistage ainsi que les vaccins.
Avec la disparition de l’uniformité des prix, se pose aussi une question qui ne transparaissait pas auparavant: à quel prix les prestataires achètent-ils leurs tests? La réponse reste encore opaque. «Le tarif dépend du test et du fournisseur. Si l’on achète directement les tests chez Roche ou si l’on passe par un grossiste, le prix moyen varie. La fourchette se situe entre 10 et 15 francs pour les tests rapides, détaille Nicole Demierre Rossier. Il est possible qu’il existe des prix plus bas.» Selon des informations communiquées au Temps, chez certains fabricants chinois agréés par Swissmedic, les tests sont vendus entre 1 et 3 dollars pièce (0,92 et 2,76 francs).
Une fiabilité relative
De telles différences de prix soulèvent aussi la question de leur efficacité, tous ne présentant pas les mêmes taux d’erreur. En outre, face au variant
Delta, le taux de fiabilité de certains tests a été revu à la baisse. «Les tests rapides antigéniques sur les personnes asymptomatiques donnent surtout une information sur l’importance de la charge virale, plus que de savoir si elle porteuse ou non du virus, rappelle Yannis Papadaniel de la FRC. Et la vaccination reste la mesure la plus fiable et la plus économique.»
La question de la fiabilité se pose aussi sur les actes pratiqués par les prestataires proposant des prix cassés. La semaine dernière, les autorités cantonales ont indiqué qu’elles allaient renforcer les contrôles dans les centres de tests privés, après avoir constaté des manquements. ■
«Comme pour tous les médicaments et moyens médicaux, la Confédération n’a pas pour habitude de lutter contre l’industrie pharmaceutique» LÉONORE PORCHET, CONSEILLÈRE NATIONALE VERTE