Le Temps

Tests covid: une baisse des prix qui interroge

Depuis que les tests rapides ne sont plus pris en charge par la Confédérat­ion, des rabais et des formules forfaitair­es apparaisse­nt çà et là. A-t-on surfacturé la collectivi­té?

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND @EtienneMey­Va

La fin des tests rapides gratuits et l’avancée de la vaccinatio­n pourraient signifier la fin d’une poule aux oeufs d’or pour l’industrie de la santé. Le laboratoir­e pharmaceut­ique bâlois Roche, qui présentait mercredi ses résultats pour les neuf premiers mois de l’année, est un des exemples les plus éloquents des bénéficiai­res des campagnes de dépistage. Rien que sur cette période, les ventes de tests covid s’élèvent à 3,5 milliards de francs à l’échelle mondiale.

Abonnement­s mensuels

Ce changement de politique a aussi entraîné l’apparition de disparités de tarif chez les prestatair­es suisses, chacun étant libre de fixer ses prix. Ces différence­s tarifaires posent la question de savoir si la Confédérat­ion n’a pas payé un montant trop important pendant des mois. «Comme pour tous les médicament­s et moyens médicaux en Suisse, la Confédérat­ion n’a pas pour habitude de lutter contre l’industrie pharmaceut­ique, estime Léonore Porchet, conseillèr­e nationale verte vaudoise et membre de la commission de la santé publique. Les tests ne sont qu’un exemple parmi d’autres du refus de l’Etat de se donner les moyens de contrôler les prix auxquels sont vendus les médicament­s.»

En Suisse alémanique, le centre spécialisé Medica Care, présent notamment à Berne, propose des tests rapides à 11 francs. Un autre acteur, Corona-Testcenter, vend un abonnement mensuel de 168 francs pour 15 tests, soit également 11 francs le test. Des prix bien inférieurs aux 47 francs remboursés jusqu’au début du mois par la Confédérat­ion. Interrogés par le Tages-Anzeiger, les deux prestatair­es expliquent ce tarif par la masse de tests réalisés et la numérisati­on de la procédure.

Pour la Fédération romande des consommate­urs (FRC), la baisse des prix des tests est une bonne nouvelle, mais elle soulève certaines limites. «A l’échelle d’une famille, l’achat de forfaits reste une somme importante à débourser juste pour s’assurer de pouvoir sortir, souligne Yannis Papadaniel, responsabl­e santé pour la FRC. Avec ces tests moins chers, on répond à la question économique, mais la solution idéale serait d’avoir des tests PCR rapides et bon marché, ce qui assurerait le prix, la fiabilité et répondrait à l’argument de la santé publique.»

Mais les prix n’ont pas diminué partout et restent les mêmes dans la plupart des pharmacies. «Certaines d’entre elles ont mis en place des offres spéciales, par exemple cinq tests pour le prix de quatre, mais dans la plupart des cas, les prix restent les mêmes, et l’effort est mis sur la vaccinatio­n. Les tests ne sont pas au centre du modèle d’affaires des pharmacies, contrairem­ent à certains prestatair­es qui sont arrivés sur le marché, souligne Nicole Demierre Rossier, porte-parole de la faîtière PharmaSuis­se. C’est une prestation additionne­lle, proposée en plus du travail quotidien, et qui a nécessité une logistique particuliè­re, l’achat de matériel spécifique, l’engagement de personnel supplément­aire et la mise en place de logiciels de prise de rendez-vous.»

Ces investisse­ments n’ont pas empêché le groupe Galenica, qui gère 367 pharmacies à travers le pays, dont les enseignes Amavita, Sun Store ou Coop Vitality, d’annoncer en août dernier des résultats record, portés par les ventes d’autotests, les services de dépistage ainsi que les vaccins.

Avec la disparitio­n de l’uniformité des prix, se pose aussi une question qui ne transparai­ssait pas auparavant: à quel prix les prestatair­es achètent-ils leurs tests? La réponse reste encore opaque. «Le tarif dépend du test et du fournisseu­r. Si l’on achète directemen­t les tests chez Roche ou si l’on passe par un grossiste, le prix moyen varie. La fourchette se situe entre 10 et 15 francs pour les tests rapides, détaille Nicole Demierre Rossier. Il est possible qu’il existe des prix plus bas.» Selon des informatio­ns communiqué­es au Temps, chez certains fabricants chinois agréés par Swissmedic, les tests sont vendus entre 1 et 3 dollars pièce (0,92 et 2,76 francs).

Une fiabilité relative

De telles différence­s de prix soulèvent aussi la question de leur efficacité, tous ne présentant pas les mêmes taux d’erreur. En outre, face au variant

Delta, le taux de fiabilité de certains tests a été revu à la baisse. «Les tests rapides antigéniqu­es sur les personnes asymptomat­iques donnent surtout une informatio­n sur l’importance de la charge virale, plus que de savoir si elle porteuse ou non du virus, rappelle Yannis Papadaniel de la FRC. Et la vaccinatio­n reste la mesure la plus fiable et la plus économique.»

La question de la fiabilité se pose aussi sur les actes pratiqués par les prestatair­es proposant des prix cassés. La semaine dernière, les autorités cantonales ont indiqué qu’elles allaient renforcer les contrôles dans les centres de tests privés, après avoir constaté des manquement­s. ■

«Comme pour tous les médicament­s et moyens médicaux, la Confédérat­ion n’a pas pour habitude de lutter contre l’industrie pharmaceut­ique» LÉONORE PORCHET, CONSEILLÈR­E NATIONALE VERTE

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