Marché de l’électricité: vers un black-out?
Cette semaine, le conseiller fédéral Guy Parmelin expliquait qu’un risque de pénurie d’électricité était envisageable à moyen terme, se fondant sur deux rapports élaborés par la Commission fédérale de l’électricité et Swissgrid. Leur lecture est complexe pour les béotiens, soit 99% des Suisses, alors que ce sujet s’avère vital. En effet, la Suisse comme le reste de l’Europe est en train de comprendre qu’elle payera cash l’arrêt du nucléaire, décidé dans l’émotion du tsunami qui provoqua en 2011 l’accident de la centrale de Fukushima au Japon. Tout le monde applaudissait alors à l’idée de remplacer l’atome par le vent et le soleil. Hélas, rien n’est aussi simple!
Ainsi, l’Allemagne n’a lésiné ni sur les investissements ni sur les subventions et elle regorge de panneaux photovoltaïques et de champs d’éoliennes, au point que le renouvelable couvre bientôt 50% de la consommation électrique du pays. Mais le peuple allemand paye le kilowattheure le plus cher d’Europe et la stabilité du système repose toujours sur des centrales conventionnelles au charbon et au gaz, avec les rejets de CO2 qu’on leur connaît. Ce n’est donc pas encore la panacée. Pour preuve, la France qui avait amorcé un virage similaire sous la présidence de François Hollande est en train de revenir en arrière et de protéger sa filière, affirmant qu’être antinucléaire, c’est être anti-écolo.
En Suisse, une des mesures envisagées pour assurer l’approvisionnement futur serait de recourir à des centrales à gaz, ce contre quoi la gauche et les écologistes s’élèvent. D’autres voix proposent de relancer le nucléaire, basé sur des technologies novatrices. Bien qu’ayant voté la Stratégie énergétique 2050 empêchant la construction de nouvelles centrales, les Suisses qui sont pragmatiques pourraient se laisser convaincre si des restrictions devenaient nécessaires et si l’économie venait à en souffrir. Malheureusement, il sera trop tard, car c’est aujourd’hui que les décisions doivent être prises.
En effet, alors qu’elle avait amorcé une décrue bienvenue depuis 2010 environ, la consommation augmentera probablement en Suisse et en Europe, en raison du basculement vivement encouragé vers des véhicules électriques (voitures privées, transports publics, vélos et trottinettes), du subventionnement des pompes à chaleur et de l’électronique personnelle omniprésente. Dès lors, l’objectif d’un mix électrique basé sur du renouvelable intermittent au détriment de sources stables comme le nucléaire et le charbon, associé à un développement «vertueux» de la consommation d’électricité, s’avérera difficilement réalisable sans risque pour la sécurité de l’approvisionnement.
Mais, plutôt que de désigner ces facteurs objectifs, il est plus commode en Suisse de déplorer l’échec de l’accord-cadre qui hypothèque encore plus l’accord énergétique avec l’UE, en gestation laborieuse depuis 2007 au point qu’il n’aurait pas forcément vu le jour. La Suisse étant déjà importatrice de courant en hiver et sa nouvelle stratégie venant compliquer sa production, une telle collaboration présenterait évidemment quelques avantages non négligeables. Mais une équipe de chercheurs de l’Université de Saint-Gall estime que l’absence d’entente avec l’UE ne serait pas rédhibitoire si la Suisse développe de nouvelles technologies de production et de stockage et si elle se dote d’un cadre réglementaire plus innovant et moins bureaucratique. Si elle se montre à la hauteur de sa réputation d’inventivité et de résilience, en somme!
Outre que cet accord avec l’UE nuirait à notre indépendance énergétique, et en particulier à notre remarquable secteur hydraulique, rien ne laisse supposer qu’il empêcherait les pénuries à venir. En effet, pour des causes similaires, les pays européens ont les mêmes soucis d’approvisionnement que les nôtres dans un futur proche, et les prix sont à la hausse partout. Partager le sort commun réchauffe parfois les coeurs, mais pas la soupe en plein hiver si l’électricité venait à manquer!