Le Royaume-Uni s’inquiète d’une explosion du nombre de contaminations
Précurseur de la vaccination, le Royaume-Uni constate désormais une baisse de l’immunité nécessitant une campagne de rappel. Le gouvernement incite les personnes de plus de 50 ans à recevoir une 3e dose
tMétro de la gare Victoria à Londres, 18h, heure de pointe. Il n’y a plus aucune place assise dans les wagons et les passagers s’entassent les uns contre les autres. Un rapide pointage permet de le mesurer: ce soir, environ 60% des gens portent un masque. Jeunes, vieux, hommes, femmes: il ne semble pas y avoir de population type à se déplacer à visage découvert.
L’Angleterre (les règles sont différentes en Ecosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord) semble revivre presque comme autrefois. Depuis que le premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé mi-juillet la levée de toutes les restrictions, les masques disparaissent progressivement des transports en commun, des magasins ou des cinémas. Les restaurants et les pubs sont pleins. Seul le retour au bureau est loin d’être complet.
La disparition des gestes barrières s’accompagne d’une envolée du nombre de contaminations au Covid-19. Le Royaume-Uni enregistre près de 50000 cas par jour, un niveau qui retrouve celui de décembre 2020, quand une troisième vague déferlait sur le pays. La situation actuelle n’a cependant rien à voir avec ces heures sombres.
Aujourd’hui, près de 8000 personnes sont hospitalisées à travers le pays, trois fois moins que fin 2020. Le nombre de morts tourne autour de 130 par jour, quatre à cinq fois moins qu’à l’époque. La vaccination a fait son effet. Si elle n’arrête pas complètement la maladie, elle en réduit très largement les symptômes. Selon le Bureau britannique des statistiques, 130000 vies ont ainsi été sauvées, tandis que 24000 hospitalisations et 24 millions de contaminations ont été évitées.
«La pandémie n’est pas finie»
La soudaine flambée des contaminations a pourtant incité le gouvernement britannique à sortir de cette étrange période où le Covid-19 semblait avoir disparu des médias et des conversations quotidiennes. «La pandémie n’est pas finie», a rappelé mercredi soir
Sajid Javid, le ministre de la Santé. Il se refuse à imposer de nouvelles règles, mais demande aux Britanniques de suivre les recommandations officielles, y compris le port du masque dans le métro londonien. Pour l’instant, cela reste basé sur le volontariat.
D’où vient ce retour de la maladie? La disparition des masques porte une part de responsabilité, souligne Stephen Powis, le directeur médical du NHS England, le service de santé. Mais il ne s’agit pas du facteur le plus important. En Ecosse, où les masques demeurent beaucoup plus utilisés qu’en Angleterre, les contaminations progressent de la même façon.
L’affaiblissement de l’immunité fournie par les vaccins semble un facteur plus important. Le Royaume-Uni a été le premier pays du monde à autoriser le vaccin et l’un des plus rapides à inoculer la majorité de sa population. Le 1er mai, 60% de la population adulte avait déjà reçu une première dose. Près de six mois plus tard, la protection offerte baisse, particulièrement chez les personnes âgées, qui ont été les premières à recevoir leur piqûre.
Inquiétude avant l’hiver
«C’est une course entre le vaccin et le virus, analyse Sajid Javid. Nous sommes en tête mais l’écart se réduit.» Il appelle tous les Britanniques âgés de plus de 50 ans et qui ont reçu leur deuxième dose il y a plus de six mois à effectuer un rappel. Seules 4 millions de personnes l’ont fait pour l’instant et le temps presse. «L’hiver pose la pire menace (à la lutte contre l’épidémie)», estime le ministre de la Santé.
La baisse de l’immunité n’est pas une surprise. Israël, autre pays qui a été en avance sur la vaccination, a connu un phénomène similaire. Une étude de Public Health England publiée début septembre l’a démontré: les premières semaines, la protection contre une hospitalisation du vaccin AstraZeneca s’élève à 95%. Au bout de vingt semaines, elle baisse à 75-90%. Le recul est particulièrement marqué pour les personnes âgées. Il est moins fort pour le vaccin Pfizer.
Stephen Powis avertit qu’il ne faut pas en tirer les mauvaises conclusions: «Les vaccins demeurent incroyablement efficaces.» Sinon, le niveau actuel de contaminations provoquerait bien plus d’hospitalisations. Mais la baisse progressive de l’immunité est «une inquiétude».
Dans la salle de la conférence de presse de Sajid Javid, les journalistes britanniques – aux deux tiers sans masque – s’interrogent: dans ces circonstances, pourquoi ne pas imposer de nouvelles restrictions, même limitées? Pour l’instant, le ministre ne veut pas en entendre parler, sachant que les députés conservateurs sont vent debout contre tout retour des règles anti-covid. Ne lui reste qu’à espérer que la campagne de rappel des vaccins sera suffisante. ■
«C’est une course entre le vaccin et le virus. Nous sommes en tête mais l’écart se réduit» SAJID JAVID, MINISTRE DE LA SANTÉ BRITANNIQUE