A la «NZZ», il y a maintenant à boire et à manger
En plein centre de Zurich, le journal alémanique loue une partie de ses locaux à un café-bar à sa gloire. Rien à voir avec une réorientation stratégique, affirme le média, dont la gestion du bâtiment historique fait débat
A quelques pas de l’Opéra de Zurich, de grands visages aux joues bariolées de mots dévisagent les occupants d’une terrasse. «NZZ am Bellevue», indique un écriteau. Ouvert début septembre, l’établissement est quelque peu particulier: il appartient à la Neue Zürcher Zeitung, la «vieille tante» (et ses éditions du weekend) dont les bureaux sont juste à côté. Inhabituel, le lieu n’est pas unique. C’est le deuxième café ouvert par le groupe, qui en possède déjà un à l’aéroport.
«Une oasis de bien-être»
«C’est une expérience à 360 degrés», s’enflamme Felix Graf, CEO de la NZZ. L’endroit, dit-il dans le journal de présentation distribué à tous les clients, «est à la fois bar, lounge et bistro, lieu de débat, de divertissement et de firm events [en allemand dans le texte]. Votre place to be [toujours en allemand dans le texte], une oasis de bien-être en changement permanent qui mélange les mondes physique et virtuel dans un mix d’art, de design, de gastronomie et de médias.» Le programme est ambitieux.
Dans la pénombre – l’atmosphère est vespérale –, chaque mur sans exception est éclairé de projections représentant phrases et mots en caractères d’imprimerie sur fond changeant de nuages, forêts et autres représentations apaisantes. Une vitrine vend des montres Breitling, l’autre toutes sortes de produits dérivés: sacs NZZ, gourdes NZZ, bloc-notes NZZ (avec leurs stylos NZZ), savons NZZ, bonnets NZZ, verres à thé NZZ. Le café est aussi magasin. Une manière d’élargir le modèle d’affaires?
Vendre ou louer?
«Non pas du tout, précise Karin Heim, porte-parole de l’entreprise. Le local n’est d’ailleurs pas directement exploité par la NZZ, qui ne fait que le louer. Il ne s’agit pas de financer le journalisme par d’autres moyens.» La communicante assure que le journal se porte d’ailleurs très bien et que «ses offres connaissent un développement très positif en 2021».
Ce tableau riant est cependant remis en question par le renommé blog financier Inside Paradeplatz, qui rappelle qu’à l’instar de la plupart des titres du pays le déclin du nombre de lecteurs et abonnés du titre est régulier. «Le siège principal du journal, situé juste à côté de l’opéra, vaut selon les connaisseurs environ 1 milliard de francs», précise le portail zurichois, qui s’aventure à un conseil pour gérer cette mine d’or: «Au lieu de louer le rez-de-chaussée [un magasin de chaussures occupait précédemment les locaux], le plus malin serait encore de vendre l’immeuble.»
Hors de question, répond cependant Karin Heim, qui souligne «l’importance identitaire de la présence du média en plein centre-ville et l’impact positif sur la perception des habitants et le rayonnement du produit». A ce titre, ajoute-t-elle, le café-bar NZZ am Bellevue «contribue au développement de l’image du média tout en le rendant accessible à un nouveau public».
Un essai à transformer
Au sein des 240 m² de bar, il y a ce jour-ci avant tout des cheveux gris. Il faut dire que sous l’oeil impérieux d’un cygne doré installé au coin du bar le menu Tomahawk Steak pour deux personnes coûte 188 francs, alors qu’une bouteille de Moët & Chandon est annoncée à 1390 francs. Ne soyons cependant pas mauvais joueur. Le lieu vient d’ouvrir, le thé froid n’y coûte que 6,50 francs, on peut y lire le journal gratuitement et, si Le Temps avait son propre café, il y vendrait peut-être aussi des gourdes estampillées «T». ■