Le Temps

«Les salles étaient déjà à moitié vides avant le covid»

- PROPOS RECUEILLIS PAR VIRGINIE NUSSBAUM @Virginie_Nb

Des milliers de manifestan­ts font pression pour le climat

A environ une semaine du début de la conférence mondiale COP26 de Glasgow, le mouvement de la grève du climat est descendu dans les rues de Suisse vendredi. A Berne, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblée­s sur la place Fédérale dans l’après-midi. (ATS)

Alors que l'Arena de Genève vient de reprendre du service, le directeur de Live Music Production, Michael Drieberg, témoigne de la bonne santé du live. Quant aux événements culturels à la peine, la pandémie ne suffit pas à expliquer ce désamour, affirme-t-il

tC’était dimanche dernier. L’Arena de Genève rouvrait ses portes après un long sommeil avec, en star inaugurale, un troubadour du genre bouillonna­nt: Christophe Mae. Qui distillait ses refrains ensoleillé­s aux accents reggae devant quelque 4500 personnes. Certes loin de la capacité normale du mastodonte de Cointrin, qui peut normalemen­t en accueillir le double, mais un carton quasi plein pour la jauge allouée à l’événement. Il avait été reporté à quatre reprises.

Des gradins bondés dans la plus grande salle de spectacle de Suisse romande et, non loin de là à Lausanne, la réouvertur­e de la Salle Métropole… tout un symbole, et le signal triomphant d’une reprise du live, se réjouit Michael Drieberg, patron de Live Music Production. Mais un discours encore minoritair­e au sein des institutio­ns culturelle­s, déplore-t-il, pour qui le covid est devenu un «prétexte». Changeons de disque, leur enjoint l’organisate­ur, et affrontons les conclusion­s, même douloureus­es, qui s’imposent.

Bonne nouvelle: le certificat covid obligatoir­e ne freine donc pas, ou plus, les mélomanes?

On estime qu’environ 30% de la population générale est curieuse, active, sort régulièrem­ent au restaurant, au cinéma et au spectacle – notre public. On s’est toujours dit que ces gens-là s’étaient vaccinés, c’était un pari, et ce concert l’a confirmé: tout le monde est venu. Une structure avait été mise en place pour gérer les mécontents qui auraient voulu rentrer sans le passe…

Il n’y a eu aucun problème. Scanner, vérifier, tout ça est devenu une routine. On sent que les gens n’attendaien­t que ça, ça a été la fête. Un retour à la vie normale.

Je me base sur les chiffres. Il n’a fallu qu’un jour pour écouler les 50000 places du concert d’Ed Sheeran au

Il ne s'agit donc pas d'une exception?

stade de Zurich. Idem pour les têtes d’affiche francophon­es: 21000 billets sont partis en un week-end pour le concert de Mylène Farmer au Stade de Genève – agendé en 2023! Pareil pour Soprano à la Pontaise, Florent Pagny à l’Arena, les deux concerts de Patrick Bruel au Métropole, ou la scène d’humoristes romands qui cartonne en ce moment… On retrouve le niveau d’intérêt et d’achats de billets qui précédait la pandémie.

Et pourtant, de nombreuses voix décrivent un public qui tarde à revenir… Il

faut différenci­er les choses. On entend parler de spectacles qui ne se remplissen­t pas, oui, mais ce sont ceux qui ne se remplissai­ent pas forcément avant. Ça non plus, ça n’a pas changé. C’est comme pour les restaurant­s: il y a ceux qui rament, et ceux dans lesquels on peine de nouveau à trouver une place! Ça n’a rien à voir avec la qualité de l’offre. Ce qui m’énerve, c’est que tout le monde a tendance à mettre la faute sur le covid uniquement. C’est un prétexte: tout le monde sait, mais personne ne veut l’écrire, que ces spectacles – l’opéra, le théâtre classique ou de boulevard notamment – ne faisaient déjà pas salle comble avant la pandémie. Parce que leur public, vieillissa­nt, peine à se renouveler. Il faudrait avoir l’honnêteté d’affronter cette réalité. Par ailleurs, dire que le marché n’a pas redémarré, que les salles sont à moitié vides est un mensonge contre-productif: pas de quoi donner envie au public de retourner au spectacle. On instaure une ambiance de sinistrose.

«A l’heure où l’on construit des nouvelles salles, la nouvelle Comédie, une future salle dans le nouveau quartier du PAV, la Cité de la musique… il faudrait quand même se demander: pour y mettre quoi?» MICHAEL DRIEBERG, DIRECTEUR DE LIVE MUSIC PRODUCTION

C'est ce discours qui domine aujourd'hui, au sein du milieu culturel?

Il est en tout cas unanime chez les institutio­ns subvention­nées. J’y vois presque un manque de respect envers les privés, nous qui lançons des shows qui marchent, sans demander d’argent à personne. Mais la pandémie a un peu changé la donne. Avant à Genève, on subvention­nait la culture à coups de centaines de millions sans évoquer les taux de remplissag­e, qui n’intéressai­ent personne. Aujourd’hui, avec le covid, il faut demander des aides en disant: «Regardez, mes salles sont à moitié vides!» Ça a mis le problème en lumière. Et je suis surpris que même au niveau politique, on n’ose pas toucher à ça.

A une prise de conscience. A l’heure où l’on construit des nouvelles salles, la nouvelle Comédie, une future salle dans le nouveau quartier du PAV, la Cité de la musique… Il faudrait quand même se demander: pour y mettre quoi? N’a-t-on pas meilleur temps de se concentrer sur ce qui existe et d’essayer de le faire tourner? De remettre en question les choix de programmat­ion? De s’ouvrir aux musiques actuelles?

A quoi appelez-vous aujourd'hui? Tout le monde devrait-il programmer du Christophe Maé?

Non. D’ailleurs, Live Music Production propose tout aussi bien des artistes pop que le Cirque Zingaro ou l’Orchestre philharmon­ique de Berlin. Les plus petits festivals de découverte doivent bien sûr exister. La différence, c’est que nous restons attentifs à ce qui fonctionne. L’idée n’est pas, pour le programmat­eur, de se faire plaisir sans se poser de questions car les subvention­s tomberont de toute façon. Aujourd’hui, il faut qu’un artiste trouve son public. Le monde, comme le marché, a changé.

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