Le cinéma suisse… existe!
◗ Alain Tanner est sans conteste un des cinéastes suisses les plus connus à l’étranger. Et souvent, à l’étranger, on a dû lui demander sa définition de ce cinéma suisse qui, pour beaucoup, ressemble à une équation à deux inconnues. Le réalisateur de La Salamandre a dit un jour ceci: «Le cinéma suisse, c’est un peu comme la marine suisse: on n’y croit pas. Or les deux existent.» Un joli aphorisme que la Cinémathèque suisse a placé en exergue d’une plaquette éditée à l’occasion du Festival Lumière, manifestation lyonnaise entièrement dédiée au cinéma de patrimoine.
En parallèle à ce rendez-vous qui a inspiré Vincent Perez pour ses Rencontres 7e art Lausanne, le Marché international du film classique (MIFC) invite les professionnels à venir échanger et réseauter autour d’un secteur qui semble bien se porter, notamment grâce aux possibilités nouvelles offertes par les plateformes de diffusion en ligne et les services de vidéo à la demande. Cette année, la Suisse était le pays invité du MIFC. Un choix fait avant que le 30 septembre, Irène Jacob ne soit nommée à la présidence de l’Institut Lumière, succédant ainsi au regretté Bertrand Tavernier. La comédienne franco-suisse sera désormais un des visages, au côté du directeur Thierry Frémaux, de cette vénérable institution installée là où Auguste et Louis inventèrent le cinéma en 1895.
Cette invitation faite à un pays voisin plus connu pour son industrie horlogère que filmique aura permis à la Suisse de présenter sa «filière du patrimoine plurielle et dynamique», pour reprendre l’intitulé d’une table ronde que j’ai eu le plaisir et l’honneur d’animer avec pas moins de huit invités. Un peu comme si le Conseil fédéral, ce gouvernement collégial à sept têtes qui intrigue tant une France toujours monarchique dans l’exercice du pouvoir, venait in corpore évoquer la pluralité «made in Switzerland». Dans la plaquette Cinéma suisse, un patrimoine méconnu, Frédéric Maire avoue que se lancer dans une description est complexe. Et le directeur de la Cinémathèque d’insister notamment sur une fragmentation de la production et de la distribution due aux frontières linguistiques. Mais au final, après avoir écouté les différents intervenants, ce qu’aura peut-être retenu le public, c’est l’absence d’une vraie politique fédérale en matière de soutien et de promotion du cinéma de patrimoine. A l’inverse de pays européens où de véritables plans quinquennaux ont été développés, la Suisse fait ce qu’elle peut, entre initiatives publiques et privées. Il serait temps que le gouvernement prenne conscience que le cinéma peut être un outil de soft power, et que mieux le préserver n’est pas un luxe, mais un devoir.
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