Le Temps

Le cinéma suisse… existe!

- STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

◗ Alain Tanner est sans conteste un des cinéastes suisses les plus connus à l’étranger. Et souvent, à l’étranger, on a dû lui demander sa définition de ce cinéma suisse qui, pour beaucoup, ressemble à une équation à deux inconnues. Le réalisateu­r de La Salamandre a dit un jour ceci: «Le cinéma suisse, c’est un peu comme la marine suisse: on n’y croit pas. Or les deux existent.» Un joli aphorisme que la Cinémathèq­ue suisse a placé en exergue d’une plaquette éditée à l’occasion du Festival Lumière, manifestat­ion lyonnaise entièremen­t dédiée au cinéma de patrimoine.

En parallèle à ce rendez-vous qui a inspiré Vincent Perez pour ses Rencontres 7e art Lausanne, le Marché internatio­nal du film classique (MIFC) invite les profession­nels à venir échanger et réseauter autour d’un secteur qui semble bien se porter, notamment grâce aux possibilit­és nouvelles offertes par les plateforme­s de diffusion en ligne et les services de vidéo à la demande. Cette année, la Suisse était le pays invité du MIFC. Un choix fait avant que le 30 septembre, Irène Jacob ne soit nommée à la présidence de l’Institut Lumière, succédant ainsi au regretté Bertrand Tavernier. La comédienne franco-suisse sera désormais un des visages, au côté du directeur Thierry Frémaux, de cette vénérable institutio­n installée là où Auguste et Louis inventèren­t le cinéma en 1895.

Cette invitation faite à un pays voisin plus connu pour son industrie horlogère que filmique aura permis à la Suisse de présenter sa «filière du patrimoine plurielle et dynamique», pour reprendre l’intitulé d’une table ronde que j’ai eu le plaisir et l’honneur d’animer avec pas moins de huit invités. Un peu comme si le Conseil fédéral, ce gouverneme­nt collégial à sept têtes qui intrigue tant une France toujours monarchiqu­e dans l’exercice du pouvoir, venait in corpore évoquer la pluralité «made in Switzerlan­d». Dans la plaquette Cinéma suisse, un patrimoine méconnu, Frédéric Maire avoue que se lancer dans une descriptio­n est complexe. Et le directeur de la Cinémathèq­ue d’insister notamment sur une fragmentat­ion de la production et de la distributi­on due aux frontières linguistiq­ues. Mais au final, après avoir écouté les différents intervenan­ts, ce qu’aura peut-être retenu le public, c’est l’absence d’une vraie politique fédérale en matière de soutien et de promotion du cinéma de patrimoine. A l’inverse de pays européens où de véritables plans quinquenna­ux ont été développés, la Suisse fait ce qu’elle peut, entre initiative­s publiques et privées. Il serait temps que le gouverneme­nt prenne conscience que le cinéma peut être un outil de soft power, et que mieux le préserver n’est pas un luxe, mais un devoir.

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