Le Temps

Sète, jeune fille folle l’été, vieille dame digne l’automne

- MARIE-PIERRE GENECAND

◗ Les villes du Sud vous ont de ces mélancolie­s quand partent les touristes… Sète n’échappe pas à la règle. Et revenir dans l’île singulière après la folie de l’été procure un sentiment mélangé. On apprécie le calme des rues dépeuplées et on voit mieux la cité, ses lignes architectu­rales qui se découpent sur un ciel bleu souvent immaculé. Mais on regrette la chaleur des animations estivales – six festivals à la suite, fréquents défilés de la fanfare des jouteurs et même visites guidées de la série Demain nous appartient qui passent en bas de la maison et répètent, toujours, inlassable­ment, la même chanson…

L’automne venu, le froid s’engouffre dans les rues étroites et escarpées du Quartier Haut. On grelotte dans les appartemen­ts peu ou pas chauffés et on se souvient avec nostalgie des discussion­s colorées des Sétoises et Sétois s’interpella­nt à la volée sur la chaussée. On en vient même à regretter les mobylettes assourdiss­antes qui grimpent la rue Paul-Valéry en franchissa­nt, c’est sûr, le mur du son…

La ville n’est pas morte, non, elle est juste assoupie. Elle s’anime encore les jours de marché ou les dimanches de fête.

La lumière, elle, reste belle. Limpide et vivifiante le matin, dorée en fin de journée. Parfois, la brume descend sur la cité et on sent que le soleil, un peu vexé, tente des percées. Il y a de la douceur dans Sète automnale. Une invitation à paresser. A aller au cinéma d’auteurs, le mythique Comoedia souvent visité par feu Agnès Varda, native des lieux, ou au musée. Le CRAC par exemple, ce Centre régional d’art contempora­in-Occitanie qui se distingue par sa programmat­ion pointue et son personnel, incroyable de gentilless­e et de compétence.

Et puis, bien sûr, il y a la mer. Majestueus­e et altière. On s’y baigne frileuseme­nt – à 16 degrés, ce n’est pas les tropiques – mais on s’y promène sans fin et sans fatigue. Douze kilomètres d’une plage continue qui nous prend par la main. Et invite à la rêverie, les yeux perdus dans l’horizon azuré. Un cliché? Oui, mais un cliché magnifique et apaisant qu’on ne saurait se refuser…

D’autant que les mouettes et goélands accompagne­nt cette flânerie de leurs cris stridents, voire de leurs geignement­s – parfois leur «chant» ressemble un chat qui miaule ou un bébé qui pleure…

Ne jamais oublier que si Sète est la patrie de Paul Valéry, poète de la spirituali­té, elle est aussi la cantine de Georges Brassens, génie des petites gens, voire des petites frappes, plus chaotiques, moins alignées.

Parce qu’il aurait eu 100 ans cette année et que la plage était, dans son souhait, sa destinatio­n ultime, on laisse au troubadour coquin le mot de la fin. «Juste au bord de la mer, à deux pas des flots bleus/ Creusez si c’est possible un petit trou moelleux/Une bonne petite niche/Auprès de mes amis d’enfance, les dauphins/Le long de cette grève où le sable est si fin/Sur la plage de la corniche.»

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