Le Temps

EXPLORATIO­N RÊVEUSE DE L’ITALIE

- JEAN-BERNARD VUILLÈME

Une voix érudite sans cesse happée par la surprise et l'émerveille­ment. Samuel Brussell voyage dans la Péninsule, à la rencontre des grands esprits comme des petites gens

◗ Ecrivain et éditeur, collaborat­eur du Temps, Samuel Brussell écrit des livres qui sont autant de promenades à travers le vaste monde. Plutôt que d'un voyageur, il faudrait parler d'un grand flâneur devant l'éternel, avec ou sans majuscule. Continent’Italia est constitué de textes courts, habités par l'urgence de capter des moments finalement assemblés comme les pièces d'un puzzle d'une Italie sensible. Un érudit toujours assoiffé d'apprendre et de découvrir mobilise sans cesse le flâneur et charpente ses rêveries. Il veut dire un moment qui passe, lié à tant d'autres moments qui l'ont précédé et rendu possible, saisi dans son ampleur fugitive, c'est-à-dire dans sa profondeur historique.

Le lecteur parcourt l'Italie en long et en large avec Samuel Brussell occupé à zigzaguer dans le pays un peu comme on pense, une idée en amenant une autre, un souvenir réveillant une envie. Hop, il saute dans le train, passe de Naples à Rome, de Rome à Trieste. Il trouve presque partout des gens à qui parler, de vieilles connaissan­ces, souvent des dames, mais aussi des passants, des compagnes et compagnons de hasard. L'esprit ouvert, prêt à toutes les rencontres, il converse aussi bien avec de grands fantômes du passé, écrivains, poètes, cinéastes, qu'avec les quidams. Il rend hommage aux grands esprits comme à la sagesse populaire.

PORTRAITS EXPRESS

Ce livre aussi profond que sautillant, précis qu'indécis, offre une flopée de portraits express de gens croisés dans les rues, les trains, les gares, les autobus. L'auteur s'attarde un peu sur le romancier et scénariste Ennio Flaiano (1910-1972) à Pescara (et à Lugano où se trouve le fonds Flaiano), fait un arrêt à Padoue pour saluer son caro amico écrivain et dramaturge Gasparo Gozzi (1713-1786). Il narre une promenade avec le poète russe Brodsky à Venise, évoque au passage Fellini ou s'étonne un peu tristement de se trouver quelques affinités de «choses de la vie quotidienn­e» avec un épicier calabrais nostalgiqu­e des Chemises noires. Un goût pour les tombes, les monuments commémorat­ifs et même pour le champ de bataille de Solférino, ces «[…] terres qui de temps à autre, tant d'années après la bataille, recrachaie­nt encore les ossements des hommes qui tombèrent.»

Il y a chez ce grand flâneur amoureux de l'Italie des accents walsériens dans sa propension à l'émerveille­ment et sa manière de percevoir ce qu'il y a de beau et de poignant dans l'existence. «En marchant, j'aperçus depuis le trottoir un vieux coiffeur qui taillait la barbe d'un jeune homme en chantant un air de Verdi. La scène était tellement belle que j'entrai pour me faire couper les cheveux, afin de faire partie moi aussi du spectacle.» Sauf peut-être sa côte Adriatique «peuplée d'un million de parasols», l'Italie est belle, toujours, riche d'humanité et de culture.

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Genre | Récit Auteur | Samuel Brussell Titre | Continent’Italia Editions | Stock Pages | 271

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