La culpabilité du notable s’impose aux juges
A l’issue d’un procès très disputé, le septuagénaire est reconnu coupable de meurtre pour avoir étouffé son épouse avec un coussin. Condamné à une peine de 13 ans, il a été arrêté à l’issue de l’audience. La défense fera appel
Ambiance tendue ce vendredi pour la lecture du verdict dans l’affaire du notable soleurois accusé d’avoir étouffé sa femme à l’aide d’un coussin et qui proclamait son innocence en invoquant un décès naturel. La conviction des juges genevois, après avoir examiné «avec la plus grande attention tous les éléments du dossier», est que la victime a bien succombé à une mort violente et que le prévenu en est l’auteur. Reconnu coupable de meurtre et condamné à une peine privative de liberté de 13 ans, le septuagénaire fera appel. L’homme, qui comparaissait libre à son procès après avoir passé seulement 57 jours en détention provisoire, a été arrêté à l’issue de l’audience et envoyé à Champ-Dollon, là où il disait avoir vécu un enfer.
D’emblée, le Tribunal criminel reconnaît la difficulté de cette affaire en raison de l’absence de mobile apparent, de la contestation vigoureuse des faits par le prévenu, du bonheur vécu avec son épouse et de toute une famille convaincue de son innocence. «Effectivement, on peine à comprendre pourquoi, mais le dossier est là et tous les éléments conduisent à l’asphyxie», relève ainsi la présidente Alexandra Banna, tout en ajoutant que cette incompréhension se heurte à la réalité des faits et ne saurait à elle seule conduire à un acquittement «inenvisageable» socialement et juridiquement.
Scène invraisemblable
Parmi les éléments qui ont emporté la conviction du tribunal, il y a le rapport des médecins légistes, «plus neutre et plus objectif» que les considérations des spécialistes privés rémunérés par la défense. Les juges ne voient donc aucune raison de remettre en doute les explications convaincantes des experts qui concluent à une mort par suffocation mécanique et excluent un AVC ou un malaise cardiaque. La plume d’oreiller retrouvée dans les bronches, un emphysème pulmonaire ainsi que les nombreux hématomes présents sur le corps de la victime achèvent ce tableau lésionnel accablant qui dépeint une hétéro-agression avec tentative de se défendre.
L’explication du prévenu, selon laquelle il aurait trouvé sa femme sur le sol de la salle de bains et l’aurait tirée dans tous les sens durant quinze minutes pour la coucher au chaud sur son lit, manoeuvres ayant pu causer les lésions, est qualifiée d’invraisemblable. «Cela n’a pas de sens de persister dans de longs efforts et de martyriser ainsi son épouse avant même de vérifier si elle est encore vivante ou d’appeler les secours.» En tout état de cause,
précise la décision, cette scène n’explique pas les traces au visage, ni l’état des poumons. Quant au coussin utilisé, cela pourrait être celui du lit ou du salon.
Risque de fuite
Pris dans leur ensemble ou un par un, tous les éléments mènent donc au prévenu, ce dernier étant le seul auteur possible de ce crime commis entre 5h45 et 6h20 du matin selon le déroulement retenu. Aux yeux des juges, la faute est grave. «La victime a résisté et il l’a indéniablement fait souffrir durant de longues minutes.» Aucune situation conflictuelle ne justifiait un tel acte, ni un tel acharnement. Le mobile est indéterminé, mais de toute façon égoïste. Le verdict souligne la mauvaise collaboration du septuagénaire. «Il a certes été affecté par ce décès, mais pas par son propre geste.» La peine infligée tient compte de son âge respectable.
Après la lecture du dispositif, et alors que les proches sont encore sous le choc, le tribunal s’est retiré pour délibérer sur la demande d’arrestation immédiate formulée par le Ministère public au motif que la caution de 3,6 millions de francs et les autres mesures ne paraissent plus suffire à prévenir un risque de fuite. «Il ne va partir nulle part car sa volonté de démontrer son innocence est intacte», rétorquera la défense. Encore en vain. Les juges estiment que «la situation a radicalement changé» et que l’intéressé «pourrait choisir la liberté plutôt que la prison».
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