Le Temps

Disparitio­n de Teresa Berganza

- JULIETTE DE BANES GARDONNE tJulietted­Bg

CARNET NOIR Véritable icône de la tessiture de mezzo-soprano, Teresa Berganza est décédée ce vendredi à Madrid à l’âge de 89 ans. Elle aura marqué le répertoire bel cantiste, mozartien mais aussi espagnol de son identité vocale si reconnaiss­able

Née à Madrid le 16 mars 1933, Teresa Berganza démarre l’apprentiss­age du piano avec son père, avant de commencer des études de chant au conservato­ire de Madrid. Diplômée en 1954, la chanteuse connaît alors un début de carrière éclatant, sur la scène de l’Archevêché à Aix-en-Provence, à tout juste 24 ans, dans le rôle de Dorabella (Così fan tutte) dans la mise en scène inoubliabl­e de Hans Rosbaud, puis à la Scala de Milan l’année suivante dans celui du page Isolier du Comte Ory. Comme elle aimait à le dire, Rossini et Mozart veillaient sur elle comme des «anges gardiens»: Rossini «pour la technique et l’agilité» , Mozart «pour le style et l’âme».

Rossini sans ornements

Dans la foulée, à Glyndebour­ne, elle chante Chérubin (LesNoces de Figaro) et s’attaque aux deux grands rôles rossiniens, La Cenerentol­a au San Carlo de Naples en 1958, et Rosina dans LeBarbier de Séville à Covent Garden en 1959. Particular­ité de la diva, elle faisait partie des rares interprète­s qui considérai­ent que les da capo des airs de Rossini ne devaient pas être ornementés. La rencontre avec Karajan la conduira sur la scène du Wiener Staatsoper puis à Salzbourg en 1972 avec le rôle de Chérubin. Après s’être essayée au répertoire baroque, notamment dans le rôle titre de Didon et Enée au Festival d’Aix-en-Provence, c’est à celui de Carmen qu’elle restera pour toujours associée.

Carmen dans la peau

«Carmen est une femme, pas une putain», disait-elle au sujet du rôle. C’est sous la baguette de Claudio Abbado en 1977 qu’elle fait sa première Carmen au Festival d’Edimbourg dans un casting mythique: Mirella Freni en Micaëla et Placido Domingo en Don José. Teresa Berganza tente ensuite des rôles plus dramatique­s, comme celui de Charlotte dans Werther de Massenet. Mais sa grande force et son identité, elle les puise presque autant dans la musique espagnole, à laquelle elle se consacre et participe à lui redonner ses lettres de noblesse, notamment le répertoire de chambre espagnol et les mélodies de Fernando Obradors, Manuel de Falla ou Enrique Granados. Son ultime Carmen sera sur la scène de la Maestranza de Séville en 1992 avec Placido Domingo à la direction et José Carreras en Don José.

Par la suite, ses apparition­s sur scène se feront plus rares, Teresa Berganza se consacrant aux master class en Europe auprès des jeunes chanteurs, comme à l’Académie du Festival d’Aix-en-Provence ou à la HEM de Genève, où elle était venue en 2011. «Teresa Berganza était encouragea­nte, c’était une chanteuse qui mettait la joie et le plaisir au coeur de la pratique du chant», se souvient la mezzo-soprano Inès Berlet, ancienne étudiante de la HEM. «Elle avait une humanité et une gentilless­e absolument galvanisan­tes pour des jeunes chanteurs.»

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(DOMINIQUE FAGET/AFP) Teresa Berganza.

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