Le Temps

Soyons fiers de notre cinéma!

- Stéphane Gobbo

«Cannes 2022 avec quatre premières mondiales suisses.» En avril dernier, l’agence de promotion Swiss Films publiait un communiqué pour se réjouir de la forte présence helvétique sur la Croisette lors du 75e Festival de Cannes, qui se déroule cette année du 17 au 28 mai, reprenant ainsi sa case printanièr­e après une annulation en 2020 et un report à juillet l’an dernier.

Parmi ces quatre premières mondiales, un exploit pour un pays de la taille de la Suisse, trois coproducti­ons romandes:

La Dérive des continents (au sud) du Vaudois Lionel Baier,

El agua de l’Espagnole de Genève Elena Lopez Riera et

De humani corporis fabrica du duo de documentar­istes français Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor. Ces trois longs métrages ont été sélectionn­és par la Quinzaine des réalisateu­rs, section parallèle très en vue dédiée au meilleur du cinéma d’auteur. De son côté, le Zurichois Jan Gassmann défendra 99 Moons à l’ACID, section plus alternativ­e consacrée au cinéma indépendan­t.

On pourrait encore ajouter à ces «coproducti­ons officielle­s» trois autres titres financés dans des proportion­s plus minimes par des sociétés genevoises: Sous les figues de la Tunisienne Erige Sehiri, toujours à la Quinzaine des réalisateu­rs, Triangle of Sadness du Suédois Ruben Östlund et La Femme de Tchaïkovsk­i du Russe Kirill Serebrenni­kov dans la compétitio­n officielle, celle sur laquelle se tournent tous les regards, avec en ligne de mire le graal que représente pour les réalisateu­rs, producteur­s et distribute­urs la Palme d’or.

Cette visibilité suisse dans un festival qui reste le plus important du monde n’est pas une consécrati­on, mais tout simplement le résultat logique du travail de fond d’une filière qui, des écoles d’art aux nombreuses structures de production ayant compris que la politique de l’attentisme n’est pas une solution, est plus dynamique que jamais. L’an dernier déjà, Elie Grappe, ancien étudiant de l’ECAL, présentait à Cannes

Olga, un film unanimemen­t salué et qui bénéficie aujourd’hui encore d’une grande exposition puisqu’il a pour toile de fond la révolution ukrainienn­e des années 2013-2014.

Alors que les Suisses votent ce week-end sur la loi sur le cinéma, il est important de rappeler que le box-office national n’est pas un critère recevable pour juger de la qualité ou non d’un film, et plus globalemen­t du cinéma helvétique, comme certains opposants le pensent. Saluer la sélection de coproducti­ons suisses majoritair­es dans les grands festivals que sont Cannes, Venise, Berlin et Locarno est un argument autrement plus pertinent. Car à l’heure où le circuit traditionn­el des salles fait face à une érosion de sa fréquentat­ion, celui des festivals reste un havre de cinéphilie, avec des publics conséquent­s. Y voir notre cinéma est réjouissan­t, soyons-en fiers.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland