«State of Happiness», du pétrole et des idées

«Le pétrole sera la ruine de la Norvège», lance un responsable local dans State of Happiness, qu'Arte propose depuis peu. On aurait tort de ricaner après coup: au moment où il exprime cette crainte, en 1969, le doute grandit. Y a-t-il oui ou non du pétrole au large des fjords? Shell et les compagnies américaines y croient, un temps. Puis elles commencent leur retrait. Jusqu'au moment où…

L'argument de State of Happiness (Lykkeland) ne manque pas d'originalité. A travers quatre jeunes personnages en particulier – surtout Anna (Anne Regine Ellingsaeter), secrétaire à la municipalité qui comprend vite les enjeux –, la saga norvégienne narre un moment précis autant que particulier: la découverte de l'or noir et les débats qu'elle provoque.

«Je voulais raconter un moment de changement dans le pays, une tranche d'histoire qui, en plus, permet d'aborder plusieurs dimensions», expliquait Synnove Horsdal, cocréatrice, au festival Canneseries en 2018. Mette M. Bolstad, scénariste principale, renchérissait: «Cette époque où les compagnies américaines venaient en Norvège nous offrait la possibilité de parler de politique, d'interroger ce qu'est la social-démocratie.»

Le feuilleton n'est pas avare en intrigues sentimentales et familiales, mais les auteurs les inscrivent habilement dans ce contexte si déterminant. Au fond, ils dressent surtout le portrait d'une ville, Stavanger, là où se sont installées les équipes des Américains et où des entreprises locales, liées au pétrole, sont apparues – et où d'anciennes usines, comme les conserveries de sardines, ont muté au contact de la mélasse inflammable. La cité doit se battre contre des concurrentes voisines qui veulent elles aussi recevoir le statut de capitale nationale du pétrole; c'est un moment crucial, quand le gouvernement, par ailleurs bientôt en campagne pour l'entrée dans la Communauté économique européenne (l'ancêtre de l'UE), veut créer une compagnie d'Etat. Une série riche, dont on attend avec impatience la deuxième saison. ■

Une série créée par Synnove Horsdal (2018) en huit épisodes de 55’. A voir sur Arte.tv et l’app.