Des oiseaux qui donnent des ailes
Entièrement dialogué (et monologué), Le Colibri, de l’auteure franco-suisse Elisa Shua Dusapin, est un récit graphique: les nombreuses nuances de gris d’Hélène Becquelin se déploient autant sur des doubles pages que de petites cases, rendant la lecture variée, vivante. Mais pas légère pour autant, car Le Colibri raconte une absence, celle de Célin, le grand frère de Célestin.
On ne sait pas grand-chose de lui, si ce n’est que Célestin l’invente explorateur du ciel, imagine qu’il lui rend des visites sur les toits. Lorsque la famille déménage (ce départ, le silence entre les parents, les souvenirs évoqués, tout suggère la perte d’un être aimé, la détresse d’un foyer), Célestin fait la connaissance de sa voisine, Lotte, pas vraiment plus gâtée que lui par la vie. Un jour, il lui montre un colibri endormi, «en torpeur» lui aurait dit son frère en le lui donnant.
Le recours à la fiction, à l’imaginaire, pour affronter les épreuves, ils connaissent ça, les deux jeunes ados qui illuminent ce livre de leur sensibilité, de leurs bavardages naïfs et graves. La force du symbole aussi, car la presque-vie du colibri n’est-elle pas celle de Célestin? Les couleurs qui fleurissent sur les dernières pages annoncent un élan – tout comme l’oiseau soudain sorti de sa torpeur. Un bel ouvrage où texte et dessins suggèrent plus qu’ils n’affirment, insufflent plus qu’ils n’expliquent.
Rêves d’argile
«Un récit inspiré des peintures, lettres et journaux intimes de Berta Hansson»: L’oiseau en moi vole où il veut, c’est l’histoire d’une enfance entre drame et passion, magnifiée par les aquarelles et les mots de Sara Lundberg. Il faut l’avouer, de ce récit, on admire d’abord les images: omniprésentes, généreuses dans leur format à bords perdus, elles disent elles aussi l’enfance de la narratrice en des peintures d’une richesse expressive et d’une force suggestive rares.
Les scènes du quotidien se succèdent, tandis que la jeune narratrice raconte: ses soeurs, son petit frère, sa mère malade, son amour du dessin, les oiseaux modelés dans l’argile, la classe, son oncle peintre, son avenir tout tracé: faire une école ménagère pour être une bonne épouse. Mais Berta ne veut pas, Berta veut devenir artiste. La passion et les rêves d’une enfant seront plus forts que les traditions. ■
«Le Colibri», c’est aussi un spectacle à découvrir ce week-end encore au Théâtre Am Stram Gram