Des livres, du jazz et des plaidoiries
Jean-Claude Zylberstein a eu plusieurs vies. Egrainer ses souvenirs est pour lui, encore et toujours, l’occasion de partager ses enthousiasmes et de payer sa dette aux artistes
Le livre de souvenirs de Jean-Claude Zylberstein n’est pas sans rappeler le croustillant volume de Mémoires de Marcel Duhamel, publié il y a cinquante ans. On reprendrait volontiers pour décrire cet irrégulier de l’édition ces lignes de Boris Vian sur l’auteur de Raconte pas ta vie, tirées du Manuel de Saint-Germain-des-Prés: «Duhamel a eu une vie fort variée dont le récit nous entraînerait en dehors des limites de ce volume; mais, à tous les moments de son existence, il a conservé une dignité dans l’allure très caractéristique… Amateur passionné de jazz, il possède une fort belle collection dans le style classique.»
Grand lecteur, mélomane, critique de jazz à l’époque glorieuse du Nouvel Observateur, chroniqueur de polars et de romans de science-fiction au France-Soir de Pierre Lazareff, Zylberstein arrive naturellement à l’édition dans les années 1960 en passant par le cabinet du lettré Jean Paulhan, dont il éditera la volumineuse correspondance aux côtés de la doyenne de la Nouvelle Revue Française, Dominique Aury, l’auteure du roman érotique Histoire d’O, qui sous ses airs de «nonne anglaise» fut «violemment amoureuse, vivement féministe, femme de lettres avec ardeur».
Poème à la Prévert
Inscrit au Barreau de Paris sur le tard (il obtiendra son certificat d’avocat à 35 ans), Zylberstein recense ses découvertes littéraires et musicales ainsi que ses plaidoiries dans un style enlevé. Le sommaire de ce livre qui couvre une vie, depuis les années de la guerre jusqu’à ce jour, se lit comme un poème énumératif à la Prévert: Quand la vie tient à une voyelle, Une jeune fille en fleur mais pas seulement, Quand le destin vous prend par la main, Vous avez dit des coups?, Des vieilles dames au long cours, «De même qu’une parcelle de musc»…
Cette galerie de portraits aux anecdotes savoureuses (il rencontrera Lucette Destouches, la veuve de Louis-Ferdinand Céline, le romancier américain Frederic Prokosh, Marguerite Yourcenar, François Mauriac, Bernard Frank, parmi tant d’autres) se clôt sur un hommage émouvant à la valeureuse et discrète compagne d’une vie, qui traverse ces pages telle une ombre bienveillante, Marie-Christine. En appendice, une liste d’écrivains étrangers et français, de jazzmen, de films compose une «bibliothèque idéale» où se côtoient les quatrième, cinquième et septième arts.
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