Le Temps

«La Suisse doit s’engager à tout faire pour améliorer la situation»

Le renforceme­nt de la contributi­on à Frontex n’est pas un blanc-seing donné à ses pratiques, souligne Nadia Boehlen, porte-parole d’Amnesty Internatio­nal

- PROPOS RECUEILLIS PAR VINCENT NICOLET @VinNicolet

Bien que très critique sur les pratiques de Frontex, notamment sa passivité coupable autour des opérations de refoulemen­t de migrants, Amnesty Internatio­nal n’a pas pris part à la campagne entourant la votation de ce

15 mai. Elle estime que la Suisse doit désormais participer activement à un plus grand respect des droits humains de Frontex. Réaction de sa porte-parole, Nadia Boehlen.

Quel est le signal donné au Conseil fédéral après l’acceptatio­n d’une plus grande contributi­on à Frontex?

Le Conseil fédéral doit entendre la forte préoccupat­ion qui a été exprimée par presque 30% de la population quant à la politique de Frontex. Les recherches et les données concernant la collaborat­ion avec les garde-côtes libyens et les renvois illégaux depuis la Grèce montrent que l’activité de l’agence pose de sérieux problèmes en termes de respect des droits humains. Cet état de fait devrait inquiéter beaucoup plus notre gouverneme­nt. La Suisse doit s’engager, comme les autres Etats membres de l’Union européenne, à tout faire pour améliorer la situation.

Quelle position la Suisse doit-elle adopter dans le futur développem­ent de l’agence?

Elle doit exiger de Frontex d’assurer davantage la sécurité des personnes en quête de protection, se positionne­r clairement face aux refoulemen­ts illégaux en les dénonçant et en cessant toute collaborat­ion avec les pays qui les pratiquent. Il faut soutenir l’instaurati­on de mécanismes par lesquels Frontex est amenée à rendre des comptes, comme la surveillan­ce des infraction­s, la mise en place de procédures satisfaisa­ntes de réception des plaintes et de protection des victimes. Chaque opération de Frontex doit inclure un mécanisme de rapport transparen­t. En Méditerran­ée, l’agence doit reconsidér­er son rôle et cesser sa coopératio­n avec les garde-côtes libyens.

La Suisse dispose de deux représenta­nts au sein du conseil d’administra­tion de Frontex. Après le vote d’aujourd’hui, leur rôle doit-il changer?

Les deux représenta­nts de la Suisse doivent rendre des comptes sur leur interventi­on. Amnesty demande qu’un débat démocratiq­ue ait lieu à propos du mandat donné à ces deux représenta­nts. La transparen­ce de ce mandat est décisive et ces représenta­nts doivent tenir le parlement et la population régulièrem­ent informés de leur action. La Suisse peut et doit s’aligner sur la position de la Commission européenne qui a gelé une partie du budget de Frontex pour améliorer la prise en compte des droits humains dans les activités des garde-frontières de Frontex. Elle doit conditionn­er le versement de sa participat­ion à un meilleur bilan en matière de droits humains.

«Les représenta­nts suisses de Frontex doivent tenir le parlement et la population régulièrem­ent informés de leur action» NADIA BOEHLEN , AMNESTY INTERNATIO­NAL, SECTION SUISSE

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