Le Temps

L’échec d’un projet, pas d’une ministre

- L. L. Z.

La législatur­e d’Anne EmeryTorra­cinta s’achève sur une défaite amère, après les nombreuses critiques que cette dernière a essuyées à la suite de l’affaire du foyer de Mancy. Pour autant, ce n’est pas un vote sanction contre la ministre socialiste

C’est une lourde défaite pour la ministre socialiste Anne Emery-Torracinta, qui souhaitait marquer la fin de son mandat au gouverneme­nt genevois par la réforme du cycle d’orientatio­n. A l’heure des questions, elle n’a pas donné l’impression de vouloir remettre l’ouvrage sur le métier. C’est compréhens­ible. Après deux ans de travaux, se faire balayer sa réforme dans les urnes est un échec amer: «Un référendum bétonne les choses. Le peuple n’en veut pas, j’en prends acte», note la conseillèr­e d’Etat, pour qui «c’est le principe même du mélange des élèves qui a été attaqué».

«Je prends le pari que le PLR assumera et reprendra le DIP», lance-telle avec une pointe d’ironie. Dépitée, la gauche attend au tournant le PLR, les verts’libéraux et l’UDC, fossoyeurs de CO22: «Peut-être qu’ils devraient prendre leurs responsabi­lités puisqu’ils prétendent avoir beaucoup d’idées, estime Thomas Wenger, président du PS genevois. Mais si elles vont dans le sens d’une école élitiste, on les combattra.»

Anne Emery-Torracinta sort d’une période de turbulence­s avec l’affaire du foyer de Mancy. Son projet de numérique à l’école est aussi en mauvaise posture. La semaine dernière, les Genevois apprenaien­t que faute de moyens, le Conseil d’Etat tirait un trait sur le nettoyage estival des écoles. Si elle a pu nuire à l’image de la magistrate, cette accumulati­on n’a sans doute pas provoqué un vote sanction. «Le résultat est trop serré pour qu’on puisse tirer de telles conclusion­s, estime Thomas Wenger», soulignant que le DIP reste un départemen­t difficile à gouverner. «On l’a vu dans le canton de Vaud.»

C’est probableme­nt juste. Car les professeur­s étaient eux-mêmes largement divisés, au point que le syndicat n’a pas donné de mot d’ordre. «C’est à mon sens le plus significat­if, estime Marie-Claude Sawerschel, présidente des verts’libéraux. Car cet indicateur du terrain était indépendan­t de toute posture partisane.» Certains enseignant­s pensaient en effet que la mixité ne serait pas favorable aux élèves les plus faibles, d’autres ont voté par peur de ne pas obtenir les moyens suffisants. Des doutes inespérés pour la droite, qui a su en faire un argument de campagne.

«Tout n’est pas sombre»

Pourtant, la gauche élargie ainsi que le Centre et le MCG étaient largement majoritair­es pour emporter ce scrutin. Mais sur les sujets qui touchent à l’école, le peuple, très concerné, a souvent un avis qui s’affranchit des mots d’ordre des partis. «La population a peut-être voté par réflexe égoïste: comme 70% des élèves vont bien, pourquoi changer pour une minorité?» s’interroge Marjorie de Chastonay, cheffe de groupe des Vert·e·s au Grand Conseil. Pour cette députée, ce n’est pas non plus le bilan de Anne Emery-Torracinta qui est en cause, «car tout n’est pas sombre, elle a par exemple la volonté de changer des choses à l’Office médico-pédagogiqu­e».

«C’est le principe même du mélange des élèves qui a été attaqué» ANNE EMERY-TORRACINTA, CHEFFE DU DÉPARTEMEN­T DE L’INSTRUCTIO­N PUBLIQUE

Le président du PLR, Bertrand Reich, assure lui aussi que l’enjeu de cette réforme n’était pas lié à la magistrate, à laquelle son parti s’en est beaucoup pris dans l’affaire de Mancy: «Notre propos a toujours été axé sur la réforme. Là où Anne Emery-Torracinta porte une lourde responsabi­lité, c’est lorsqu’elle a demandé au parlement de cesser de tergiverse­r et de l’adopter. Nos amendement­s ayant été balayés par le parlement qui lui a obéi, nous avons lancé le référendum.» Bertrand Reich espère désormais que le DIP viendra avec des propositio­ns concrètes qui tiennent compte de la volonté populaire. Il déclare aussi y travailler, «au-delà du clivage gauchedroi­te». ■

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