Le Temps

Le refus de l’école aux illusions

- LAURE LUGON ZUGRAVU @laurelugon

Par les poils, la droite a réussi son coup. Les Genevois ne veulent pas, à une faible majorité certes, un cycle d’orientatio­n mixte qui aurait dû garantir une meilleure égalité des chances, selon les voeux de la ministre socialiste Anne Emery-Torracinta, du PS, des Vert·e·s, d’Ensemble à Gauche, du PDC et du MCG.

On ne peut que s’en réjouir. Car l’école genevoise ne brille pas par ses résultats mirobolant­s, et on voit mal que les élèves les plus en difficulté soient aspirés vers la réussite au contact de leurs camarades. En revanche, le nivellemen­t par le bas aurait été au rendez-vous.

Si les élèves les plus faibles ont monopolisé l’attention dans cette réforme, l’immense majorité a été oubliée. Le fait qu’entre 6 et 10% seulement des élèves se retrouvent dans des classes ghettos forcément synonymes d’exclusion révèle un problème du système dans son ensemble: le gros des troupes est intégré au niveau le plus élevé, ce qui représente une fausse promesse.

A force de répéter comme un mantra le si joli mais si irréaliste concept d’égalité des chances, à force de nourrir l’espoir que tout un chacun est appelé à faire des études supérieure­s, on a baissé le niveau d’exigence au cycle d’orientatio­n, au point que près de 70% des élèves sont admis dans le regroupeme­nt supérieur. Or le bon sens voudrait que la majorité des élèves se retrouvent dans la filière moyenne. Car le modèle actuel est aussi cruel pour les plus faibles qu’il est éprouvant pour les moyens.

Pour ces derniers, il représente un miroir aux alouettes sur lequel passableme­nt d’entre eux se lugeront une fois arrivés au collège, considéré comme la voie sans laquelle point de salut. C’est archi-faux, mais personne, ni à gauche, ni à droite, n’est parvenu jusqu’ici à redonner à d’autres filières, comme l’apprentiss­age, ses lettres de noblesse.

Au lieu de pousser au forceps les jeunes dans les meilleures filières et de pleurer sur ceux qui n’y arrivent pas en accusant l’iniquité du système, il faudrait peut-être réfléchir autrement. En expurgeant les rêves basés sur des dogmes, en valorisant toutes les capacités humaines, et pas uniquement les aptitudes cognitives à l’étude.

Ce constat ne devrait pas être considéré sous l’angle du clivage gauche-droite. Il ne sert à rien de se jeter l’anathème, la gauche en accusant la droite d’élitisme, la droite en accusant la gauche de vouloir à n’importe quel prix l’égalité des chances. Les idéologies politiques ne devraient pas venir pourrir un enjeu aussi fondamenta­l.

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