Feu sur la neutralité «indécente»
Mais quel frelon a piqué Gerhard Pfister? Dans Le Matin Dimanche et la NZZ, il fustige la neutralité du Conseil fédéral. Ignazio Cassis dit qu’«être neutre, ce n’est pas être indifférent» pour justifier la reprise des sanctions européennes à l’encontre de la Russie? Le président du Centre rétorque: «La neutralité devient indécente quand les conséquences de notre attentisme ont pour effet que l’agresseur est récompensé et l’agressé pénalisé»… Pourquoi ne pas autoriser l’Allemagne à fournir ses munitions importées de Suisse à l’Ukraine? Quel est le problème? Et Gerhard Pfister de citer le rapport Bergier révélant les livraisons d’armes à la Finlande lors de la Deuxième Guerre mondiale. Il aurait dû ajouter que l’essentiel des crédits militaires suisses avait bénéficié à une partie au conflit, l’agresseur nazi, comme le rappelait dans ces colonnes l’historien Christophe Farquet la semaine dernière. Selon les Conventions de La Haye, un pays neutre peut livrer des armes en temps de guerre, mais de façon «équilibrée». Pas d’attentisme, c’est aussi prendre l’initiative de sanctions. Car l’économie «n’est pas neutre», insiste Pfister qui constate que la globalisation a échoué à démocratiser le monde. Le Zougois estime que Berne devrait être plus actif dans la traque des avoirs russes déposés en Suisse. «Avec la guerre en Ukraine, nous sommes indirectement attaqués», insiste-t-il. Quelle peut être notre contribution à la défense européenne? «C’est un fait bien connu que 80% du commerce des matières premières de la Russie passe par la Suisse.» S’il n’affiche plus son christianisme, Le Centre se mue en évangélisateur de la démocratie, celle qui oblige à être solidaire au-delà des frontières. Pfister ne signerait plus aujourd’hui le traité de libre-échange avec la Chine, l’autre menace autocratique qu’on sousestime «naïvement». A un an et demi des fédérales, Le Centre veut-il imposer un nouveau débat des valeurs? Il relance la bataille de l’identité, à l’opposé des termes imposés depuis trois décennies par l’UDC. ■