Le Temps

Guerre froide et réchauffem­ent climatique: même combat!

- VINCENT JUVYNS GLOBAL MARKET STRATEGIST, J.P. MORGAN ASSET MANAGEMENT

Depuis le 24 février, la guerre en Ukraine, et le risque que celle-ci ne conduise à une nouvelle guerre froide, a logiquemen­t fait passer au second plan la plupart des autres défis auxquels l’humanité est confrontée, à l’instar du réchauffem­ent climatique. Néanmoins, les sanctions économique­s prises contre la Russie devraient paradoxale­ment nous permettre d’accélérer notre lutte contre le réchauffem­ent climatique.

En effet, nombre de pays souhaitent aujourd’hui s’affranchir de leur dépendance énergétiqu­e vis-àvis de la Russie, et donc vis-à-vis des énergies fossiles. L’Europe s’est par exemple engagée, dans le cadre de son programme RepowerEU, à cesser ses importatio­ns de gaz et de pétrole russe d’ici à 2030, en investissa­nt notamment massivemen­t dans le développem­ent des énergies renouvelab­les.

Cependant, la source d’énergie la plus durable est celle que l’on n’utilise pas et le think tank Bruegel estime que l’Europe pourrait aisément réduire sa consommati­on d’énergie d’un volume équivalent à la moitié de ses importatio­ns énergétiqu­es de Russie. C’est pourquoi nombre d’Etats membres proposent des primes et autres incitation­s fiscales pour aider les particulie­rs et les entreprise­s à privilégie­r des constructi­ons durables et investisse­nt pour un transport durable en accélérant par exemple le déploiemen­t de bornes de recharge pour voitures électrique­s.

Repenser nos production­s de matières premières

Si la guerre en Ukraine et le réchauffem­ent climatique nous obligent à nous affranchir des énergies fossiles, notamment en privilégia­nt les énergies renouvelab­les et en réduisant notre consommati­on avec des constructi­ons et des transports plus durables, elle nous oblige aussi à repenser nos production­s de matières premières industriel­les et agricoles.

En effet, la Russie produit notamment 44% du palladium au niveau mondial, un métal indispensa­ble à la production de pots catalytiqu­es dans l’industrie automobile et dont on ne peut donc se passer. Or, ce métal comme d’autres peut se recycler indéfinime­nt et les sanctions économique­s contre la Russie nous obligent donc à accélérer notre transition vers une économie circulaire en développan­t les filaires de recyclage.

Si les métaux industriel­s se recyclent, ce n’est malheureus­ement pas le cas des matières premières agricoles comme les engrais et le blé dont la Russie représente respective­ment 28% et 10% de la production mondiale. Il faut donc optimiser les récoltes ailleurs, tout en utilisant moins d’engrais azotés et d’eau. Nombre de technologi­es existent aujourd’hui pour favoriser une agricultur­e plus durable, tant en ce qui concerne l’optimisati­on de la production agricole qu’en termes d’alternativ­es alimentair­es, notamment à la viande, dont la production est «gourmande» en terres agricoles.

En conclusion, la guerre en Ukraine a au moins un point positif, c’est qu’elle concourt indirectem­ent à accélérer les politiques de lutte contre le réchauffem­ent climatique et à l’heure où les marchés broient du noir, il est important que les investisse­urs en prennent conscience.■

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