Le Temps

Les sanctions contre les joueurs russes, «à la fois compréhens­ibles et injustes»

Invité vedette du tournoi de Genève cette semaine, Daniil Medvedev se prépare à disputer Roland-Garros et à faire l’impasse sur Wimbledon, dont seront exclus les joueurs russes et biélorusse­s

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

Daniil Medvedev est de retour sur le circuit ATP après une absence de sept semaines qui lui a permis de soigner une hernie et de reprendre un peu son souffle. De début septembre 2021 à fin mars 2022, il a successive­ment gagné son premier titre du Grand Chelem à l’US Open en battant Novak Djokovic, remporté la Coupe Davis avec la Russie, perdu en finale de l’Open d’Australie face à Rafael Nadal, conquis puis perdu la première place du classement ATP.

Le numéro deux mondial s’est inscrit en dernière minute à Genève, une ville qu’il apprécie et un tournoi qu’il découvre après en avoir entendu le plus grand bien. «Le site est superbe, l’ambiance est très agréable et les conditions de jeu sont proches de celles de Roland-Garros, avec des balles qui volent un peu et des courts très durs», a-t-il expliqué dimanche, dans un français

«Prenez 100 joueurs, vous aurez 100 opinions sur le sujet» DANIIL MEDVEDEV, NUMÉRO DEUX MONDIAL

parfait, après un entraîneme­nt suivi d’un véritable bain de foule.

Brillant, drôle, iconoclast­e, capable de coup de sang et de coup de génie, et francophil­e, Daniil Medvedev personnifi­e à merveille cette «âme russe» qui cohabite tant bien que mal avec l’image très dégradée d’un pays sous le feu des critiques et des sanctions internatio­nales depuis l’invasion militaire en Ukraine. En des termes mesurés, le natif de Moscou (26 ans) s’est déjà prononcé «pour la paix dans le monde entier». Autorisé à jouer à Paris mais pas à Wimbledon, il dit comprendre les deux points de vue.

En votre absence, Wimbledon a décidé d’exclure les joueurs russes et biélorusse­s du prochain tournoi.

J’ai suivi ça de loin, parce que je n’étais pas sur le circuit et parce que je n’ai pas mon mot à dire. Cela se joue entre Wimbledon, l’ATP et apparemmen­t le gouverneme­nt britanniqu­e. J’ai mon opinion, si quelqu’un me la demande en privé, mais je ne peux qu’attendre et voir ce qui va se passer.

Ressentez-vous cela comme une injustice ou comprenez-vous cette décision?

Les deux… Je peux comprendre et je trouve ça un peu injuste. C’est particulie­r parce que cela crée un précédent. Il va être difficile pour les autres tournois ou les autres sports de déterminer où placer la limite entre accepter et bannir. En tant que joueurs de tennis, nous sommes des travailleu­rs indépendan­ts et je crois que les individus sont toujours autorisés à travailler en Grande-Bretagne. C’est compliqué… Si vous prenez 100 joueurs, vous aurez 100 opinions sur le sujet. Je serais heureux de pouvoir jouer, j’adore ce tournoi, mais si je ne le peux pas, je préparerai le tournoi suivant et je reviendrai l’année prochaine.

Vous sentez-vous soutenu par les autres joueurs?

Je n’ai eu de contact direct avec personne. J’ai entendu différente­s opinions, et je les respecte toutes. Après, si quelqu’un essaye de me convaincre que les balles de tennis sont vertes, je ne peux rien y faire.

Votre blessure vous a-t-elle permis de digérer tout ce qui vous est arrivé ces derniers mois?

Lors de mes derniers tournois, j’avais le sentiment d’être bien. C’est en m’arrêtant que j’ai senti combien toute l’année dernière avait été dense émotionnel­lement. A la fin, je jouais les tournois sans réfléchir. Avec la Coupe Davis début décembre, je n’ai eu que deux semaines de pré-saison, ce qui est bien sûr insuffisan­t. La blessure m’a permis de comprendre que cela avait agi sur mon mental. Maintenant, je suis plus frais et je reviens très motivé.

A Melbourne, vous semblez avoir perdu cet ascendant psychologi­que sur vos rivaux, que votre victoire à l’US Open vous avait donné…

Se maintenir à un très haut niveau est très difficile, et c’est là où le Big 3 est très fort. Quand Nadal, Djokovic et Federer sont dans un tournoi, on sait qu’ils ont toujours de très bonnes chances de le remporter. Djokovic est en finale à Rome alors qu’il revient à la compétitio­n. Je n’ai pas vu sa demi-finale mais il a battu Casper Ruud, qui est l’un des meilleurs joueurs actuels. Mais ce sont des exceptions; pour les autres, ça ne marche pas comme ça. Je me souviens qu’en fin d’année dernière, je jouais très bien avec beaucoup de confiance, et puis, effectivem­ent, je l’ai perdue après l’Open d’Australie. Mais même à Melbourne, j’ai commencé à sentir que tout n’était plus aussi fluide et automatiqu­e. Je pense que je peux retrouver cet état, mais ce n’est pas facile: les autres sont là et veulent tous vous battre.

Avez-vous tout de même pu savourer d’avoir été brièvement numéro un mondial?

Pas à 100%, parce que ça n’a duré que deux semaines, et deux semaines pas idéales pour moi au niveau tennis, mais c’est tout de même un accompliss­ement. Beaucoup de très grands joueurs ne l’ont jamais été. Moi, même si j’arrête ma carrière demain, je pourrai dire à 70 ans que j’ai été numéro un mondial. ■

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