Le Temps

L’héritage d’Eric Cottier agite déjà les élus

- CAMILLE KRAFFT @CamilleKra ÉRIC COTTIER PROCUREUR GÉNÉRAL VAUDOIS

Sur propositio­n du PLR, le Grand Conseil a accepté de prolonger le mandat des adjoints actuels du procureur général, qui pourrait prendre sa retraite à la fin de l’année. La socialiste Jessica Jaccoud dénonce une «lex Cottier». Les débats continuent

Alors que le procureur général Eric Cottier pourrait prendre sa retraite à la fin de l’année, la question du collège qui lui succédera directemen­t agite le législatif vaudois, où l’on débat actuelleme­nt du projet de Conseil de la magistratu­re. Au coeur de l’enjeu: les deux adjoints du futur procureur, qui formeront un trio avec ce dernier à la tête du Ministère public. A gauche, où s’exprime le désir de rompre avec «l’ère Cottier», on plaide pour une élection de l’ensemble du collège par le législatif au 1er janvier 2023. C’est du reste ce qui était prévu via une dispositio­n transitoir­e figurant dans le projet de loi, pour des questions de «légitimité démocratiq­ue», selon le Conseil d’Etat.

Mais ce scénario a été mis à mal par des échanges avec Eric Cottier durant les travaux de la commission. A l’approche de son départ probable, le procureur général estime que l’arrivée de trois nouvelles personnes d’un coup à la tête du Ministère public constituer­ait un risque pour la stabilité de l’institutio­n. Ses inquiétude­s sont relayées du côté du PLR, dont Eric Cottier est membre. Solution proposée: prolonger les mandats des deux adjoints actuels du procureur jusqu’au 31 décembre 2024. Au premier janvier 2025 débutera la nouvelle législatur­e judiciaire, avec notamment l’élection des magistrats et du collège des procureurs désignés par le Conseil de la magistratu­re.

Suite à de longues discussion­s, la commission s’est retrouvée sans dispositio­n transitoir­e au sortir des travaux. Un amendement visant une prolongati­on des mandats a donc été soumis au Grand Conseil le 10 mai par la députée PLR Catherine Labouchère. La propositio­n a fini par être acceptée au vote nominal. Le procureur qui sera élu pour succéder à Eric Cottier devrait donc composer avec la garde rapprochée de ce dernier à son entrée en fonction.

Pour le PLR, il s’agit d’éviter une discontinu­ité au Ministère public pour des raisons opérationn­elles. «Si l’on ne place que des nouvelles personnes à la tête d’une institutio­n ou d’une entreprise, cela pose toujours un problème pour la bonne marche de l’organisme en question», estime la députée PLR Florence Bettschart-Narbel.

A gauche, où l’on tentera d’inverser la tendance lors du deuxième débat, on dénonce une négation de la «légitimité démocratiq­ue». «Cette manoeuvre a pour but de maintenir le système mis en place par Eric Cottier pour que l’institutio­n ne bouge pas de ligne», estime la députée Jessica Jaccoud, qui dénonce une «lex Cottier». L’élue précise que «rien n’empêche les deux adjoints actuels de postuler à leurs propres postes. A charge pour le Grand Conseil de les élire ou pas.»

«Du sang neuf»

En janvier dernier, suite au procès de zadistes du Mormont, la présidente du Parti socialiste vaudois avait publié une chronique où elle sollicitai­t «du sang neuf» à la tête du Ministère public. L’avocate de profession y critiquait le bilan d’Eric Cottier, appelant à une rupture avec sa politique pénale, qui se contentera­it selon elle d’enquêter et d’enfermer. «J’ai même l’audace de rêver d’un procureur général qui n’ait pas fait l’entier de sa carrière dans les arcanes du Parti radical vaudois!», écrivait Jessica Jaccoud.

Depuis 2010, seul le magistrat occupant la fonction de procureur général était élu par le Grand Conseil. A l’avenir, il est prévu que le législatif élise l’ensemble du collège, sur préavis du Conseil de la magistratu­re. «Lorsque le Grand Conseil élit un collège de procureurs, il a la possibilit­é de veiller à un équilibre, au niveau politique ou génération­nel, commente Jessica Jaccoud. C’est d’autant plus important que ces trois personnes désigneron­t ensuite les autres procureurs. Elles proposeron­t également les procureurs qui seront élus par le législatif pour siéger au Conseil de la magistratu­re.»

Contacté, Eric Cottier ne souhaite pas s’exprimer alors que les débats sont en cours. La date de cessation de ses fonctions devrait être connue rapidement après la fin de ces derniers. ■

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