L’inflation plombe les sous-traitants
Si les résultats de l’horlogerie atteignent des records, l’activité des sous-traitants a également extrêmement bien redémarré. Mais ces derniers ne sont pas épargnés par les hausses de prix des matières premières, ainsi que par les difficultés pour recruter
La pandémie et l’arrêt total de la production avaient déjà poussé les prix des matières premières à la hausse, notamment le cuivre et l’acier. L’éclatement du conflit en Ukraine n’a fait que confirmer cette tendance, qui impacte les sous-traitants horlogers à différents degrés. Mais pour les principaux concernés, c’est le phénomène de fluctuation qui pose le plus de problèmes. «L’incertitude n’est jamais favorable à l’industrie», note François Billig, le patron d’Acrotec, l’un des plus grands sous-traitants de l’horlogerie helvétique basé à Develier, dans le Jura.
L’industriel jurassien souligne toutefois que les augmentations de ces derniers mois ne sont pas uniquement induites par les crises sanitaires ou géopolitiques. «Comme cela est souvent le cas, certains profitent de la situation pour spéculer et les prix ne correspondent pas à la réalité. Durant la pandémie, alors que la production était à l’arrêt et par conséquent la demande en berne, ils auraient dû baisser. Ce qui ne s’est pas produit. Et depuis le début du conflit en Ukraine, nous assistons à un véritable coup de fouet de cette tendance haussière.» Et le chef d’entreprise de comparer ce phénomène à celui du pétrole.
«Une forme de spéculation»
Un constat également partagé par Alain Marietta, administrateur de Metalem, fabricant de cadrans au Locle, et ancien président de la Chambre du commerce neuchâteloise. «La guerre en Ukraine est un prétexte dont usent certains pour augmenter les prix. Comme c’est régulièrement le cas lorsque des crises éclatent.» Les fournisseurs horlogers sont diversement impactés par ces augmentations des matières premières, qui ne menacent toutefois pas de manquer. Pour l’heure, pas de signe de pénurie à l’horizon.
Du côté des métaux, le cuivre, l’or et le titane subissent les plus fortes variations. David Guenin, patron de Gimmel Rouages, à Villiers (NE) qui fournit le très haut de gamme de l’horlogerie, souffre relativement peu du prix de ces matières premières auxquelles il a moins recours. Mais il n’en ressent pas moins les effets. «Une forme de spéculation est vraiment perceptible et on assiste surtout à un effet de cascade. Tous les fournisseurs et sous-traitants annoncent une hausse des prix de 2 à 5%, y compris pour les services.»
Des sous-traitants qui subissent une érosion de leurs marges, pris en étau entre la hausse des coûts, celle des salaires et la pression sur les prix imposée par les gros donneurs d’ordre. Et David Guenin de relever que si les chiffres d’affaires de l’horlogerie atteignent des records, ce n’est pas forcément le cas des volumes. Et ce sont ces derniers qui intéressent avant tout les sous-traitants. «Il faut rester prudents et faire le dos rond, nous n’avons pas vraiment beaucoup de marge de manoeuvre», constate l’entrepreneur neuchâtelois.
Des fournisseurs qui doivent également faire face à un autre écueil: la pénurie de personnel. Ce qui induit une augmentation des délais. «Le marché de l’emploi est à sec, et plus les délais de livraison sont allongés, plus les clients commandent en anticipation», précise David Guenin.
Thierry Junod, directeur général de Metalem, abonde dans ce sens: «Avec un taux de chômage historiquement bas, nous galérons vraiment pour trouver du personnel.» Et de souligner que, contrairement à d’autres secteurs, l’horlogerie n’est pas victime des reconversions post-pandémie. «Nous payons plutôt bien et les horaires sont réguliers, mais le réservoir de main-d’oeuvre est épuisé.» Une problématique qui pourrait encore s’accentuer, tant il semble difficile de trouver des apprentis qui souhaitent s’engager dans ces professions techniques.
Une préoccupation majeure pour le marché de la haute précision qui a incité les organisateurs du Salon EPHJ de Genève à organiser une journée dédiée à cette thématique en partenariat avec Job Watch, avec une session Job Dating le 17 juin. Candidats, futurs diplômés ou futurs apprentis auront donc l’opportunité de rencontrer les chefs d’entreprise. Une enquête menée auprès des 700 exposants inscrits révèle, en effet, que le marché est de plus en plus tendu et que près d’un tiers d’entre eux dispose de postes vacants et recherche activement aussi bien du personnel qualifié que des apprentis. ■
«La guerre en Ukraine est un prétexte dont usent certains pour augmenter les prix. Comme c’est régulièrement le cas lorsque des crises éclatent» ALAIN MARIETTA, ADMINISTRATEUR DE METALEM