Holcim se retire d’Inde, un marché pourtant en forte croissance
Le groupe suisse entend faire d’autres acquisitions et développer des produits à plus forte valeur ajoutée que le ciment. En quittant le pays où il est numéro 2, Holcim allégera son bilan carbone de 23%
Le titre de Holcim a terminé la séance de lundi en baisse (-0,85%) à la bourse suisse, au lendemain de l’annonce de la cession de ses activités en Inde au groupe Adani pour 6,4 milliards de francs. Tobias Woerner, analyste au sein de la banque Stifel à Genève, s’interroge d’emblée sur la vente d’opérations indiennes «prometteuses durant la prochaine décennie. Réduire son exposition au ciment est positif, mais c’est décevant de voir Holcim quitter un marché émergent au moment où les entreprises sont revalorisées sur ces marchés?» commente-t-il pour Bloomberg.
Holcim a en effet signé un accord dimanche pour vendre sa participation de 63,11% dans la filiale indienne Ambuja Cement, ainsi que sa participation directe dans ACC, une deuxième entreprise qui se monte, elle, à 4,48%. A la bourse de Bombay, les deux sociétés ont légèrement progressé lundi.
Les deux filiales comptent 10700 collaborateurs en Inde. Elles gèrent 31 sites de production de ciment et 78 sites de production de béton prêt à l’emploi. Avec une part de marché de 21%, le groupe est le deuxième cimentier du pays, derrière l’indien UltraTech. La vente doit encore obtenir l’aval de la Commission indienne de la concurrence.
Deuxième marché mondial du ciment
Les interrogations de Tobias Woerner ne sont pas fortuites. Le sous-continent est le deuxième plus grand producteur de ciment au monde, avec une part de 7% des capacités mondiales. En 2022, la production devrait atteindre 380 millions de tonnes, contre 294 et 329 millions respectivement en 2021 et 2020. Le pays vise les 550 millions de tonnes d’ici à 2025. Cette estimation tient compte de la volonté du gouvernement indien d’investir largement dans les infrastructures (routes, ponts et chaussées), logements et bâtiments industriels.
Pour sa part, Bernd Pomrehn, analyste chez Vontobel, estime que la cessation en Inde a une portée stratégique. «Le groupe peut désormais viser une meilleure croissance et un meilleur retour sur investissement, écrit-il. Cette opération libère d’importantes liquidités.»
«Vendre ces deux filiales n’a pas été une décision facile», a déclaré Jan Jenisch, le patron de Holcim, lors d’une conférence téléphonique lundi matin. Issu de la fusion en 2015 avec le français Lafarge, Holcim s’est fixé pour objectif que sa nouvelle division contribue à 30% de son chiffre d’affaires d’ici à 2025. Lundi, Jens Jenisch a aussi indiqué qu’en délaissant le marché indien, le groupe allait réduire ses émissions carbone de 23%.
Par ailleurs, selon lui, l’entreprise va développer davantage sa nouvelle division «Solutions et Produits». Le rachat l’an passé de l’américain Firestone Building Products lui a permis de se diversifier dans les produits d’isolation pour toiture.
Depuis lors, Holcim a multiplié les acquisitions. En février, elle a acheté l’américain Malarkey Roofing Products, spécialisé dans les toitures pour l’immobilier résidentiel. Puis le français PRB, dont le rachat a été finalisé la semaine passée, lui a permis de se renforcer dans les revêtements de façades. «Nous avons une dizaine d’acquisitions en vue, a indiqué Jan Jenisch, sans donner plus de détails. Certaines devraient intervenir assez rapidement.»
Dans un tout autre registre, Jens Jenisch a fait savoir que Holcim se donne encore quelques mois pour se retirer de Russie dans le contexte de la guerre que cette dernière mène en Ukraine. Par ailleurs, il n’a pas voulu commenter la procédure judiciaire en cours concernant le groupe cimentier français Lafarge, désormais fusionné avec Holcim, accusé de «complicité de crimes contre l’humanité» pour ses activités jusqu’en 2014 en Syrie. La Cour d’appel de Paris se prononcera mercredi sur la validité de la mise en examen de Lafarge. ▅
«Vendre ces deux filiales n’a pas été une décision facile» JAN JENISCH, PATRON DE HOLCIM